Folie urbaine et mafia russe
La Française Maud Tabachnik, considérée comme une des pionnières du roman noir au féminin — et une des meilleures — explore une nouvelle fois les limites entre la manipulation, la folie et la pathologie, la ruse et le passage à l’acte meurtrier dans Danse
Particulièrement musclé, ce solide suspense passe à la loupe la folie urbaine et l’histoire soviétique — avec toutes ses dérives. La romancière maîtrise à la perfection les astuces qui lui permettent de relier des histoires entre elles.
Le lieutenant Boris Berezovsky se retrouve pris au piège du passé de son père, Vladimir, lorsqu’il se lance à la poursuite d’un psychopathe. Juif russe devenu citoyen américain, Vladimir se di t menacé par des service ssecrets étrangers. Boris découvre avec stupéfaction que son père entretenait d’excellentes relations avec un autre Boris Berezovsky — le célèbre oligarque prétendument «suicidé» à Londres et bête noire de Poutine.
Pendant que l’assassin continue son oeuvre macabre, Boris se plonge dans sa propre histoire familiale, tentant de découvrir qui cherche à tuer son père.
Complexe
C’est un roman complexe, vertigineux, très prenant, méticuleusement construit. «C’est un livre qui m’a donné pas mal de travail, ne serait-ce que pour la reconstitution historique de Boris Berezovsky. Ce Boris — le neveu de Vladimir — est un homme qui a existé. C’est un oligarque qui s’est enrichi entre Eltsine et Poutine et qui a fui la Russie pour échapper à Poutine. Il s’est suicidé en 2013 à Londres; mais, vous savez, il fait partie de ces oligarques qui, dans la période 1992-2001, ont travaillé d’abord avec Eltsine et Poutine et qui se sont enrichis sur la Russie. C’était plutôt des voyous que des hommes honnêtes, on est bien d’accord, et Poutine en a descendu pas mal. Lui, il s’est échappé.»
Maud Tabachnika ren contrédes Russes et effectué des recherches approfondies pour construire son intrigue. «J’étais persuadée qu’il ne s ’ ét ai t pas sui c i dé et qu’i l avait été tué. Les recherches que j’ai faites me l’ont confirmé.»
Tueur en série
En parallèle, la romancière s’est inspirée de Francis Heaulme pour créer un tueur en série, Ferris Holme. «Chez nous, c’est un tueur effrayant, qui a le même problème génétique que le Holme que j’ai mis en scène à San Francisco, qui est affublé aussi d’un physique très ingrat et qui est très manipulateur. Je me suis vraiment inspirée de cet homme, qui est maintenant en prison après avoir berné tout le monde et fait son road-movie sanglant en tuant dans toute la France.»
Ce personnage effrayant laisse une empreinte terrifiante derrière lui. «Celui-là, c’est un des derniers qui ont été pris. Il a fait beaucoup de dégâts parce que les Français ont été très longs à mettre en place le fichier génétique. Quand je raconte qu’il a fait confiance au fils de mon personnage, l’autre Boris Berezovsky, le flic, c’est que c’est grâce à un gendarme français que le tueur a été arrêté.»
Se plonger dans la tête de Holme n’a pas été facile: il fallait qu’elle arrive à saisirsessentiments, sespulsions . «C’est assez effrayant d’être dans la tête d’un tueur. Vous savez, les livres qui parlent du monde du crime sont en dessous de la réalité, de ce qui se passe réellement. Ce qu’on vit actuellement — et depuis toujours — est pire que ce qu’on écrit. C’est ça qui fait peur.» Maud Tabachnik est née Paris, mais habite maintenant à Cannes.
Elle a publié une trentaine de romans, dont 10 chez Albin Michel.
Elle est considérée par le quotidien Le Monde comme l’un des 20 meilleurs auteurs de thrillers français.