La bâtonnière aurait dû déclarer son dossier, estiment les experts
S’ils sont convaincus que Lu Chan Khuong aurait dû déclarer la déjudiciarisation de son dossier pour vol à l’étalage, les experts judiciaires interrogés par Le Journal ne parviennent pas à un consensus quant au sort qui doit être réservé à la bâtonnière suspendue.
Le criminaliste et ancien bâtonnier du Québec Jean-claude Hébert est catégorique: Me Lu Chan Khuong aurait dû révéler «au moins» aux autorités du Barreau l’existence de ses «démêlés» avec la justice. «C’est un péché d’omission. Et ça sort aujourd’hui, de façon spectaculaire dans les médias», analyse-t-il.
Selon lui, il est fort possible que Me Khuong ait pu se présenter – et même remporter – les élections du bâtonnat, malgré cet aveu. «Une fois que c’est connu des 25 000 avocats appelés à voter, il y a probablement bien des gens qui se seraient dit que c’est mineur et qui ne se seraient pas empêchés d’élire quelqu’un qui – par ailleurs – a un excellent CV.»
« VITE SUR LA GÂCHETTE »
Même son de cloche du côté de Me Jean-Pierre Rancourt, qui prétend qu’elle aurait dû jouer cartes sur table. «Au moment où elle s’en va pour une position aussi importante que bâtonnière, elle aurait dû le dire. Mais elle pensait probablement jamais que ça n’allait sortir», affirme-t-il.
Selon Me Rancourt, le CA du Barreau a été «vite sur la gâchette» en prenant la décision unanime de la suspendre jusqu’à nouvel ordre, à la suite de ces révélations. «Ce n’est pas un crime important dans le sens qu’elle n’est pas coupable, elle n’a pas d’antécédent judiciaire, elle n’a pas été condamnée. Est-ce que ça fait en sorte que ce n’est pas une bonne personne pour être bâtonnière? Je pense que le CA panique et veut laver plus blanc que blanc», plaide-t-il.
Me Hébert peine quant à lui à se prononcer sur la rectitude de cette décision, lui qui a tout de même bien hâte de voir la suite des choses, alors que Me Khuong devrait techniquement être rencontrée par le CA.
MISE EN DEMEURE
C’est Me Jean-françois Bertrand qui a ét é mandaté par la bâtonni ère pour contester cette suspension. Me Khuong prétend que cette décision est «déraisonnable» et que le CA ne détient pas ce pouvoir d’agir. Au bureau de Me Bertrand, on affirme qu’une mise en demeure sera envoyée au conseil d’administration au cours des prochains jours, sans toutefois préciser la nature de celle-ci.
Rappelons que cette histoire découle des révélations de La Presse à savoir que la bâtonnière aurait fait l’objet d’une enquête policière en avril 2014, après s’être fait prendre pour vol à l’étalage. Le dossier aurait toutefois été déjudiciarisé, faisant en sorte qu’aucune accusation n’a été déposée contre Me Khuong. Dans un communiqué, la bâtonnière a nié avoir commis un vol, affirmant plutôt qu’il s’agissait d’une «distraction malheureuse».