Tel-aide se bat pour sa survie
Après avoir aidé plus de deux millions de Québécois pendant près d’un demi-siècle, Tel-aide est en péril. À l’ère des compressions budgétaires et des besoins grandissants, l’organisme de service d’écoute téléphonique est pourtant plus pertinent que jamais.
Plus de 40 après avoir eu besoin de Tel-aide, Ihor Kutash est toujours reconnaissant du coup de main qu’il y a reçu. C’était en 1972, ce jeune père de 25 ans était complètement désemparé, son mariage tombait en ruines et il n’avait personne à qui se confier.
«La femme qui a répondu était réconfortante, sympathique et m’a donné de l’espoir. Elle ne m’a pas dit quoi faire, elle a juste écouté», se souvient l’homme aujourd’hui âgé de 68 ans.
«Il serait tragique que Tel-aide disparaisse, ces gens-là sauvent des vies. Moi, je n’étais pas suicidaire, mais certains le sont. Il est important d’avoir quelqu’un à qui parler de façon anonyme», croit M.kutash.
Le 19 juin dernier, le président de TelAide Pierre Riley lançait un cri du coeur: l’organisme a besoin de 50 000 $ pour survivre. Une campagne de financement d’urgence a été lancée, deux entreprises privées se sont manifestées pour établir un partenariat et un possible financement. Àce jour, 23 000 $ ont été amassés. Les bénévoles se sont aussi mobilisés.
«On a fait des dons de notre poche et des prêts sans intérêt. On a aussi sollicité nos familles», explique Albert, écoutant, formateur et accompagnateur depuis 11 ans.
«Rien n’est gagné, nous avons l’appui du grand public, mais l’an prochain, tout sera à recommencer. Nous n’avons pas d’argent frais du gouvernement», déplore Pierre Riley.
CAUSE PAS « SEXY »
Financé à 60% par les entreprises privées, Tel-aide a vu ses principaux donateurs lui tourner le dos.
«Les entreprises nous disent: on vous finance trois ans, après on va vers d’autres organismes», explique-t-il.
Tel-aide a dû renoncer à l’aide de Centraide, car l’organisation philanthropique refuse d’aider un autre organisme dont la campagne de financement se déroule au même moment, soit à l’automne.
«Pour nous, ça signifie de renoncer à 50 000 $ pour en obtenir 25 000 $ de Centraide, ce qui aurait été insensé. Nous n’avions pas le luxe de faire ce choix», précise M. Riley.
L’homme à la tête de Tel-aide se bat pour la survie de l’organisme qui, selon lui, a fait face à un problème de taille: l’indifférence.
«Notre cause n’est pas sexy, elle est trop large, lance-t-il. Il faut pourtant que quelqu’un puisse appeler chez nous parce qu’il n’est peut-être pas encore sorti du placard et qu’il n’est pas prêt à appeler Gai Écoute», fait valoir M. Riley.
PREMIÈRE AU QUÉBEC
Nombreux sont ceux qui croient pourtant que le service d’écoute téléphonique gratuit est essentiel, constate-t-il.
Créé par un pasteur anglican de la Christ Church Cathedral en janvier 1971, Tel-aide a assuré dès ses débuts un service 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en français et en anglais. Une première au Québec.
L’an dernier, une personne sur quatre qui fais ait un appel à Tel - Aide souf frait d’ un problème desant é mentale. Ajoutons à ces demandes d’aide des gens souffrant d’angoisse et de dépression.
«On a vidé nos hôpitaux psychiatriques avec la désinstitutionnalisation, mais ces gens ont toujours besoin d’aide», remarque le président de Tel-aide.
«Il y a des organisations plus spécialisées que la nôtre. Nous, on est là pour que les gens puissent ventiler. On rejoint des personnes qui ne consulteraient pas et on contribue à ce que le réseau de la santé soit moins encombré», résume-t-il.
En près de 45 ans, Tel-aide a formé 4500 bénévoles à écouter dans l’anonymat les personnes en détresse.