Le Journal de Quebec

Un roman qui a du chien

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

Difficile d’imaginer meilleur roman pour entamer les vacances: en mettant en scène un chien incroyable­ment attachant, l’écrivain français Didier van Cauwelaert nous tient en laisse du début à la fin.

Même si on n’a jamais vraiment aimé les chiens, impossible de ne pas craquer pour Jules, le labrador qui s’est taillé une niche de choix dans le 31e roman de Didier van Cauwelaert. Loin d’être un toutou comme les autres, Jules a en effet été dressé spécialeme­nt pour faciliter les déplacemen­ts et le quotidien de sa jolie maîtresse Alice, une speakerine sur RTL qui a perdu la vue à l’âge de 17 ans dans des circonstan­ces assez horribles.

«Les chiens guides sont l’une des mes plus vieilles passions», précise Didier van Cauwelaert, qu’on a joint chez lui, dans la forêt de Rambouille­t. «Quand j’étais jeune, mon père écrivait des pièces pour le Lion’s Club Beaulieu-villefranc­he-surMer destinées à financer la formation des chiens d’aveugle, et il me donnait de petits rôles dedans. Ça m’a permis de découvrir ces formidable­s binômes, qui doivent constammen­t calculer le gabarit de leurs maîtres pour franchir les obstacles ou prendre toutes sortes de décisions à leur place, et ce rapport d’amour et d’empathie m’a rapidement fasciné.»

Jules est donc une histoire que Didier van Cauwelaert portait en lui depuis fort longtemps, et s’il n’avait pas revu par hasard l’an dernier une journalist­e non voyante (et son fidèle acolyte Pongo), on aurait sans doute dû attendre encore plusieurs années avant de pouvoir dévorer d’un trait ce délicieux roman.

AVEC LES yeux Du Coeur

Dès les premières pages, on s’attachera d’abord très vite à Zibal de Frèges, un brillant scientifiq­ue bardé de diplômes qui a réellement eu une vie de chien: après avoir été abandonné à Damas au fond d’une poubelle, il est adopté par une mère qui s’est inspirée de son tragique passé pour pondre un bestseller dont le héros sera, hélas, nettement plus avenant que le modèle d’origine, et son ex-femme gagne désormais des millions grâce au procédé de dépollutio­n qu’il a inventé. Résultat? À 42 ans, Zibal en est réduit à promouvoir les saveurs vedettes des macarons Ladurée dans un stand de l’aéroport Paris-orly.

«Ce qui m’intéresse, c’est l’humour décalé sur une base réaliste, explique Didier van Cauwelaert. Parce que si le parcours de Zibal est exceptionn­el et qu’un inventeur aussi imaginatif que lui peut apporter énormément à la société , t out l e monde peut s’identifier à cet homme rejeté, trahi et presque invisible. On achète des macarons et on repart, sans chercher à savoir qui il y a sous le calot vert...»

La terne existence de Zibal changera cependant du tout au tout le jour où il rencontrer­a Alice, qui s’apprête à prendre le prochain vol vers Nice afin d’y subir une greffe de la cornée susceptibl­e de lui rendre la vue. Zibal tombera éperdument amoureux d’elle au premier regard, et en intervenan­t à temps pour éviter que Jules voyage dans la soute à bagages, il se fera sans le savoir en un clin d’oeil le meilleur des alliés. Car dès qu’alice n’aura plus besoin de chien guide (son opération a fonctionné à merveille!), c’est à lui que Jules demandera de l’aide.

«Le lien qui se crée entre un chien guide et son maître est extrêmemen­t fort, et je me suis demandé ce qui arrivait quand il se cassait, poursuit Didier van Cauwelaert. Ça a été le déclic.»

L’essayer, C’est L’ADOPTER!

Constammen­t brutalisé par son nouveau maître, un vieux colonel ronchon essentiell­ement aveuglé par la haine, Jules finira par prendre ses pattes à son cou dans l’espoir de retrouver au plus vite la douce Alice.

Mais la speakerine ayant quitté Paris pour noyer sur les plages de Basse-normandie la peine liée à leur séparation, Jules se souviendra du vendeur de macarons qui, deux semaines plus tôt, a réussi à les rendre l’un à l’autre. Du coup, il filera ventre à terre vers l’aéroport et ce faisant, Zibal perdra tout ce qui lui reste: son boulot, sa bagnole, son logement et sa tranquilli­té.

En s’apprivoisa­nt coûte que coûte, ce fantasque tandem se donnera néanmoins un mal de chien pour retrouver Alice et le surprenant dénouement qu’il nous réserve justifie à lui seul la lecture de cette histoire souvent poilante.

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