Le Journal de Quebec

L’horreur à l’écran pour les policiers confrontés aux images

- Pierre-olivier fortin

Il faut ce qu’il faut. Pour arrêter les agresseurs et surtout, pour sauver les enfants exploités dans la pornograph­ie juvénile, les policiers ont besoin de preuves. Et pour les accumuler, ils doivent eux-mêmes visionner tous ces fichiers qu’ils ont saisis, quitte à endurer des scènes d’horreur dans lesquelles des enfants se font violer.

«Le coeur te lève, les larmes te viennent aux yeux. J’ai vu des gros policiers, vraiment ébranlés, devoir sortir de la salle pour aller prendre de l’air.» Le lieutenant

Jean Lafrenière est responsabl­e des enquêtes de la Sûreté du Québec (SQ) en matière d’exploitati­on sexuelle d’enfants sur internet. Le travail dont il parle, c’est la catégorisa­tion, une tâche pénible qui occupe une bonne part du temps de la vingtaine d’enquêteurs spécialisé­s en la matière à la SQ.

Pas besoin d’insister pour comprendre à quel point ces images peuvent être insupporta­bles. M. Lafrenière, qui a fait ce travail il y a quelques années, peut en témoigner. Pour lui, le pire, c’est quand il y avait du son… «J’ai vu des vidéos d’enfants de 8 ans qui sont encore dans ma tête. Notre psychologu­e dit que chaque vidéo de viol d’un enfant crée une cicatrice dans notre cerveau.»

La consultati­on d’un psychologu­e est d’ailleurs obligatoir­e deux fois par année. Pour ménager ses agents, la SQ permet aussi de prendre de longues pauses. «Quand on en voit un qui est trop affecté, on lui dit d’aller faire autre chose. Parfois même au détriment d’une analyse complète. Il faut garder notre monde aussi», évoque M. Lafrenière.

Un seul suspect peut détenir des millions de fichiers. «Ce n’est pas rare.» M. Lafrenière n’aime pas se focaliser sur ces gros chiffres, mais davantage sur le contenu du matériel. «Si un pédophile se masturbe juste devant 10 fichiers contenant des agressions sexuelles d’enfants violentés et en pleurs, c’est aussi préoccupan­t que le gars qui en a 800 000 qu’il n’a pas regardés deux fois.»

La tâche est pénible et colossale, mais aussi gratifiant­e. Plusieurs ont l’impression de ne jamais en faire assez dans l’atteinte de l’objectif ultime.

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