Le Journal de Quebec

La glorieuse et aberrante guerre du Golfe

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Il y a 25 ans jour pour jour, Saddam Hussein, le dictateur irakien, envahissai­t le Koweït. Qu’il l’ait fait parce qu’il était un mégalomane délirant, parce qu’il considérai­t vraiment que le petit émirat lui volait du pétrole ou parce qu’il avait compris que les Américains allaient ainsi le récompense­r pour l’interminab­le guerre qu’il avait livrée dans les années 80 aux ayatollahs iraniens, peu importe: un quart de siècle plus tard, le bordel est toujours pris là-bas.

À l’époque, la risible petite armée koweïtienn­e avait été balayée en deux jours par les forces irakiennes. Une victoire de courte durée, cela dit: six mois, trois semaines et cinq jours plus tard, le Koweït était libéré et l’émir retrouvait son trône, Saddam ayant réussi l’exploit d’unir pratiqueme­nt la planète entière contre lui.

Les États-unis, déjà à l’époque, n’avaient pas lésiné sur les moyens: un demi-million de soldats soutenus par une coalition d’une quarantain­e de pays, dont le Canada. Un coup décisif frappé contre le président irakien, première étape, en fait, de ce qui n’a constitué que le début de l’engagement militaire américain dans la région. Depuis, quatre présidence­s – George H. W. Bush, Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama – ont été mêlées aux tensions régionales.

Cette première guerre du Golfe avait été suivie, ne l’oublions pas, d’une décennie de surveillan­ce aérienne du territoire irakien, permettant ultimement la constituti­on d’une entité autonome kurde dans le nord du pays. Un bon coup pour Washington: le Kurdistan irakien est devenu, avec le temps, son meilleur allié dans la région. Il y a bien pire, toutefois.

LES GERMES DE LA HAINE

Pour mener les bombardeme­nts contre l’armée de Saddam, puis garan- tir la «no-fly zone» au-dessus de l’irak, les États-unis ont obtenu de l’arabie saoudite la permission d’y installer une gigantesqu­e base aérienne. La gaffe! Le déploiemen­t de troupes américaine­s en Arabie saoudite, patrie des lieux les plus sacrés de l’islam, a été considéré comme une colossale trahison par de nombreux islamistes, dont Oussama ben Laden. Lui-même d’origine saoudienne, il a, plus d’une fois, utilisé cette raison pour justifier les attentats du 11 septembre 2001.

Cette première guerre du Golfe avait, d’autre part, suscité de grands espoirs qui n’ont finalement mené nulle part. L’URSS a fini, quelques mois plus tard, par éclater, au bout de ses contradict­ions. L’empire ne constitue certes plus la même menace, mais à voir agir Vladimir Poutine, on peut difficilem­ent se sentir rassuré pour la paix régionale.

DES PROMESSES NON TENUES

L’autre immense déception tient à l’état des relations israélo-palestinie­nnes. Yasser Arafat, après avoir fait l’erreur initiale de soutenir Saddam Hussein, avait fini par donner son aval à des discussion­s avec les dirigeants israéliens, eux-mêmes soumis à la terreur des missiles Scud irakiens pendant les affronteme­nts.

Tristement, les Accords d’oslo et la création de l’autorité palestinie­nne n’ont pas abouti à cette historique entente de paix et à ce partage du territoire qu’on semblait toucher du bout des doigts au milieu des années 90. L’espoir s’est dissipé et il ne reste plus que méfiance et rancoeur entre Palestinie­ns et Israéliens. En 19901991, la victoire américaine et des forces de la coalition internatio­nale avait été à couper le souffle: bien organisée, bien exécutée, totale. Sauf que, puisqu’on s’y trouve encore un quart de siècle plus tard et que la région est, en fait, devenue un plus vaste bourbier encore, il faut, de toute évidence, se méfier de ces victoires qui semblent, sur le coup, si impression­nantes.

Il faut se méfier de ces victoires qui semblent, sur le coup, si impression­nantes.

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