Oslo suspend le renvoi des réfugiés vers la Russie
Moscou a invoqué des raisons de sécurité, alors que les mesures norvégiennes sont critiquées par les ONG
OSLO, Norvège | (AFP) La Norvège a annoncé, hier, qu’elle cessait «temporairement», à la demande de Moscou, de reconduire des réfugiés vers la Russie dans l’arctique, une pratique qui soulevait de vives craintes, notamment en raison des conditions climatiques difficiles.
«Le ministère russe des Affaires étrangères a pris contact avec les autorités norvégiennes au sujet des reconduites de demandeurs d’asile via Storskog. Jusqu’à nouvel ordre, il n’y aura pas de nouvelles reconduites. Les autorités frontalières russes souhaitent davantage de coordination pour ces retours», a annoncé le gouvernement norvégien.
Interrogé depuis Davos par la chaîne publique NRK, le ministre des Affaires étrangères Børge Brende a expliqué que les Russes avaient invoqué «des raisons de sécurité», sans plus de précisions.
Mardi, la police norvégienne avait reconduit en autocar 13 réfugiés en Russie en vertu d’une disposition controversée stipulant que les individus ayant légalement séjourné sur le territoire russe devaient y être renvoyés rapidement, sans examen sur le fond de leur demande d’asile.
TEMPÉRATURES POLAIRES
Cela a valu à Oslo les critiques D’ONG et de L’ONU, qui s’inquiètent que les personnes reconduites soient abandonnées à leur sort par des températures polaires et soient ensuite expulsées vers des pays en guerre.
«La Norvège est en train de prendre des risques par rapport à ses obligations», a averti Vincent Cochetel, directeur Europe du Haut-commissariat de L’ONU pour les réfugiés (HCR).
«Ce qui nous pose problème, c’est l’automaticité attachée à cette nouvelle formule», dit-il à L’AFP.
Le gouvernement de droite, où siège une formation populiste anti-immigration, se défend pour sa part en affirmant que la Russie est un pays «sûr» et que ces reconduites sont indispensables pour se concentrer sur les personnes nécessitant véritablement une protection.
Si le gouvernement norvégien a parfois affiché la volonté de renvoyer la quasi-totalité des quelque 5500 personnes ayant emprunté la «route de l’arctique» l’an dernier, les retours ne concernent à ce stade que des réfugiés ayant un permis de séjour ou un visa à entrées multiples russes, plutôt qu’un visa de transit ou touristique généralement utilisé par les Syriens fuyant la guerre.
INDIGNATION
De nombreuses voix se sont indignées que ces reconduites vers les villes russes septentrionales de Nikel ou Mourmansk aient lieu au plus fort de l’hiver, sans qu’aucune prise en charge n’y soit a priori prévue.
Depuis mardi, aucune opération de reconduite n’a eu lieu. En vue d’une expulsion, plusieurs dizaines de migrants avaient pourtant été regroupés dans un centre à Kirkenes, ville frontalière où une partie de la population s’est mobilisée pour leur cause.
Plusieurs se sont évanouis dans la nature et trois se sont réfugiés dans une église avec la bénédiction des autorités religieuses.
Le HCR dit craindre que, par leur caractère systématique, les reconduites à la frontière englobent des réfugiés ayant véritablement besoin d’une protection.