Le Journal de Quebec

Un triangle amoureux qui tourne au drame

Voulant incendier le logement de son rival, un jeune homme a causé la mort de deux victimes

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«Des fois, maudit que j’aimerais ça que le bloc brûle», a confié à quelques reprises Johanie Sicard à Maximilien Héon. Des paroles en l’air, selon elle. Mais son ami l'a prise aux mots et a mis le feu à l'immeuble où demeurait l'ex-copain de Johanie et un colocatair­e, lors d'une nuit d'hiver 2011. Quatre ans après le drame de Joliette, Héon vient d'écoper de 14 ans de pénitencie­r. Retour sur un triangle amoureux qui a pris une tournure tragique.

«Boum!» Les murs de l’appartemen­t de la rue Sainte-anne de Patricia Auclair tremblent lorsqu’un énorme bruit survient, un peu après 5 h, le matin du 15 décembre 2011. Elle retient son souffle. Puis deux autres «boum» se font entendre. Mme Auclair sort en trombe de la douche et compose le 911. Elle raccroche et une épaisse fumée sort des prises de courant de son logement. Rapidement, tout devient noir chez elle. Elle enfile en vitesse sa robe de chambre et sort au froid à l’extérieur. Elle court vers la rue. Lorsqu’elle se retourne vers l’immeuble, de violentes flammes sortent du toit. Tous les logements sont évacués… sauf un. Celui situé au-dessus de chez elle, qui flambe.

*** À l’automne 2011, Johanie Sicard et Marc-andré Guérin-bertrand viennent de rompre après quelques mois de fréquentat­ion. C’est seulement temporaire, dit-elle, ils sont en break. Aux prises avec des problèmes de justice, MarcAndré avait ordre de vivre chez Johanie. Mais il aurait plutôt emménagé chez un ami, au grand dam de la jeune femme. Elle l’a alors dénoncé.

«Moi, j’en ai discuté avec l’agent de probation et ça a fait des conflits entre lui (Marc-andré) et moi, donc il y a eu séparation temporaire», a raconté Johanie au tribunal.

AMI D’ENFANCE

Alors qu’elle est en break avec MarcAndré, la jeune femme reprend contact via Facebook avec un ami du secondaire, Maximilien Héon. Le courant passe, ils communique­nt ensuite régulièrem­ent ensemble. Ils s’écrivent des messages privés sur internet, s’envoient des textos ou discutent au téléphone. Ils se donnent ensuite rendez-vous pour souper dans un restaurant. C’est la première fois qu’ils se revoient depuis l’école.

Au fil des discussion­s et des rencontres, Johanie se confie sur divers problèmes qui la stresse: son enfant, sa séparation avec Marc-andré qu’elle aime toujours et les colocatair­es de ce dernier qui ont une mauvaise influence sur lui.

«Il [Maximilien] me disait qu’il aimerait régler mes problèmes, effacer mes problèmes», a dit Johanie en Cour.

Max aime bien son amie. Même qu’il éprouve plus que de l’amitié pour elle. Un soir, il lui fait part de ses sentiments. La réaction de la jeune femme n’est pas celle qu’il aurait souhaitée.

«Je lui ai expliqué que c’était seulement de l’amitié que je ressentais, mais monsieur insistait à essayer de me mon- trer que lui pourrait prendre plus soin de moi, qu’il serait plus présent. Mais ça ne fonctionna­it pas, on n’était pas sur la même longueur d’onde», a-t-elle expliqué au tribunal.

EN FINIR AVEC L’AUTRE

Mal à l’aise avec cette confession, Johanie aurait demandé à Maximilien de la laisser seule. Mais il voulait s’expliquer, refusant de quitter la résidence de la jeune femme. Pour le faire déguerpir de chez elle, Johanie serait même allée jusqu’à appeler son ex à la rescousse.

Lorsque Marc-andré, qui résidait à quelques centaines de mètres de là, est arrivé, une altercatio­n entre les deux hommes s’en est suivie. Ils se sont menacés, jurant qu’ils allaient chacun «en finir en premier avec le cas de l’autre». Les rivaux se sont quittés sur ces paroles.

À peine quelques jours plus tard, dans la nuit du 14 au 15 décembre, Max fête son 20e anniversai­re dans un bar avec des amis lorsqu’il reçoit un texto de Johanie. Elle lui dit avoir de nouveau des problèmes avec son ex et ses colocatair­es, que si leur logement brûlait, cela réglerait ses problèmes. D’ailleurs, les

habitants du logement sont présenteme­nt absents: ce serait le «bon temps» pour passer à l’action, aurait-elle insisté.

Vers 4 h, Max est de retour chez lui à Sainte-julienne après avoir passé la soirée à fêter, à consommer drogue et alcool. Il ne tient pas en place, il veut aider Johanie. Comme il n’a pas de permis de conduire, il demande à son colocatair­e, Danny Poirier-Laplante, s’il peut le conduire à Joliette, sans lui dire pourquoi.

Logement en flammes

D’abord, il faut faire un arrêt dans un dépanneur, demande Max. Il est 4 h 30 lorsque le conducteur s’arrête à la station-service Esso Couche-tard à Sainte-Julienne. Maximilien sort de la voiture, prend un bidon d’essence rouge à l’arrière et se dirige aux pompes. Il remplit le bidon de 20 litres, achète des gants, des petites bonbonnes de propane et un journal à la caisse, puis rejoint son ami dans la voiture. Ce dernier ne pose aucune question, redémarre la voiture, puis reprend la route vers Joliette.

Ils se rendent chez Johanie. Max descend de la voiture, s’entretient brièvement avec la jeune femme, puis les deux jeunes hommes partent en voiture. Moins d’une minute après, Max demande à son colocatair­e de se garer dans un stationnem­ent. Il sort de la voiture, puis se dirige vers un immeuble à logements quelques mètres plus loin, le bidon d’essence et ses récents achats dans les mains. Danny Poirier-laplante l’attend dans la voiture.

Max entre dans le portique du 273, rue Sainte-anne, puis asperge l’escalier menant au logement de Marc-andré GuérinBert­rand. Il imbibe du papier journal puis allume le feu, ce qui cause une explosion. Les flammes se propagent ensuite rapidement dans la cage d’escalier, puis dans le logement des victimes.

Garé plus loin, Danny, le conducteur, n’a eu à attendre son ami que quelques minutes à peine. Il a assuré en Cour ne pas avoir eu connaissan­ce de l’incendie. Lorsque Max reprend place dans la voiture, il est mal en point. Il est brûlé et se lamente. Danny propose d’aller à l’hôpital, mais il le supplie de plutôt retourner à la maison. Max est gravement blessé: il a des plaies au visage et aux bras. Ses vêtements sont brûlés. Il se rend à la salle de bains et prend un long bain.

Deux amis tués

Pendant ce temps, les médias diffusent déjà la nouvelle d’un incendie criminel qui aurait fait deux morts à Joliette. Danny Poirier-laplante comprend ce qu’il vient de se passer et ce dans quoi il a été impliqué.

*** Alors qu’ils tentent d’éteindre le feu, les pompiers sont rapidement avisés que des locataires du deuxième étage de l’immeuble manquent à l’appel.

En pénétrant dans l’appartemen­t, ils retrouvent David Deraspe, 24 ans, sur le sol de la cuisine. Marc-andré GuérinBert­rand, 18 ans, était pour sa part dans sa chambre. Les deux victimes sont mortes asphyxiées par la fumée.

Maximilien Héon a été arrêté trois jours plus tard, puis accusé de double meurtre prémédité. Il a plaidé coupable à des accusation­s réduites d’homicide involontai­re, puis il a écopé la semaine dernière d’une peine de 14 ans de prison.

Danny Poirier-laplante a pour sa part été accusé de meurtres non prémédités. Il a plaidé coupable à une accusation d’incendie criminel. Présenteme­nt en liberté, il recevra sa sentence plus tard.

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Victime
MARC-ANDRÉ GUÉRIN-BERTRAND
Victime L’incendie allumé par Maximilien Héon le 15 décembre 2011 en pleine nuit a causé la mort de Marc-andré Guérin-bertrand et de David Deraspe.
DAVID DERASPE Victime MARC-ANDRÉ GUÉRIN-BERTRAND Victime L’incendie allumé par Maximilien Héon le 15 décembre 2011 en pleine nuit a causé la mort de Marc-andré Guérin-bertrand et de David Deraspe.
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Valérie Gonthier l Vgonthierj­dm
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(co-accusé) Maximilien Héon a écopé d’une peine de 14 ans de pénitencie­r.
Danny Poirier-laplante (co-accusé) Maximilien Héon a écopé d’une peine de 14 ans de pénitencie­r.

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