Le Journal de Quebec

Martineau Merci maman

- richard Martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

Il y a quatre mois et demi, ma fille aînée est partie faire le tour du monde avec un sac à dos.

Je suis ses pérégrinat­ions sur Facebook.

Elle est en Pologne. En Allemagne. En Croatie. Au Maroc. À Amsterdam. En Inde.

Elle vit sa jeunesse à fond et mord à belles dents dans la vie.

Elle revient dans trois semaines, puis va travailler quelques mois pour gagner des sous et partir à nouveau pour l’asie et l’australie. Elle a 20 ans, elle fait sa vie. Loin de moi.

FONCER EN FREINANT

Que c’est bizarre, quand même, être parent, non?

C’est le job le plus ingrat au monde.

Notre mission? Faire en sorte que nos enfants puissent se passer de nous. Qu’ils puissent vivre leur vie.

Qu’ils aient tous les outils leur permettant de ne plus avoir besoin de notre aide.

C’est comme lorsqu’un avion atterrit. Tu fonces à pleine vitesse, mais en même temps, tu fous les freins au max.

Tu les aimes, tu les embrasses, tu les cajoles, tu les encadres, tu les surveilles, tu les maternes et tu les paternes, tu plonges tête première dans l’amour, sans protection ni arrièrepen­sée, mais en même temps, tu dois les laisser aller.

Un mélange de deux mouvements contradict­oires. Tu vas vers eux, tu t’attaches à eux, tu te donnes à eux, tu t’investis dans eux, tout en les encouragea­nt à s’éloigner de toi et à prendre leurs distances. Tu parles d’une mission débile, toi! C’est du masochisme à l’état pur. Moins tes enfants ont besoin de te voir, mieux tu as fait ta job.

Pourquoi on ne nous dit pas ça quand on décide de faire un bébé? Pourquoi personne ne nous parle de cette violence qu’il faut se faire?

Être parent est le job le plus ingrat au monde.

LA COURTE ÉCHELLE

Je suis fier lorsque je regarde les photos de ma fille sur Facebook. Fier de ce qu’elle est devenue. Et je suis fier de ce que ma fille cadette — qui a eu 17 ans samedi — est en train de devenir.

Mais en même temps, ça te renvoie une réalité plate en pleine face.

Tu vieillis. Le temps passe, et plus il file, plus il passe vite.

Que c’est court, une vie, quand même. Les Cowboys fringants ont raison: on est des étoiles filantes.

On fait juste passer. La première partie de ta vie, tu apprends. Et la seconde, tu transmets. C’est tout. On passe au suivant. On fait la courte échelle.

Monte sur mes épaules et passe pardessus le mur.

Tu m’écriras de l’autre bord, et me raconteras ce que tu as vu.

Moi je reste ici. Je suis trop fatigué.

COURIR

C’est ça que je vais dire à ma mère, aujourd’hui. Merci de m’avoir aimé. Parce que lorsque tu as de l’amour, tu as tout. Le reste suit. Naturellem­ent.

La confiance en toi, l’ambition, la capacité d’aimer à ton tour.

Tout part de ça. L’amour que tu as reçu enfant, c’est la fondation de ta vie.

Merci maman. Je sais que je ne te vois pas aussi souvent que je devrais, mais c’est ça, la vie, foncer, regarder en avant plus qu’en arrière.

Passer le ballon à tes enfants et les regarder s’éloigner, souriants, le vent dans les cheveux.

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