Le Journal de Quebec

DESCHÂTELE­TS

- LOUISE louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Mon idole m’a lâché la main

Je vis une grosse désillusio­n depuis le début mars, soit depuis le passage de Nathalie Simard à l’émission « Les francs-tireurs » à Télé-québec. Nathalie c’était mon idole d’enfance. Mais plus que cela, j’avais l’impression qu’elle me tenait par la main depuis une dizaine d’années. Je dis cela parce que c’est sa dénonciati­on du producteur Guy Cloutier qui l’avait abusé sexuelleme­nt qui m’a incitée à dénoncer moi-même mon abuseur.

J’ai 46 ans comme elle, et je me suis totalement identifiée à son combat. Bien sûr que les conséquenc­es de ma dénonciati­on n’ont pas eu l’éclat de la sienne puisqu’elle avait une vie publique que je n’ai pas, mais les remous qu’elle a provoqués dans ma famille ont eu un effet aussi dévastateu­r. Cela à la fois pour le coupable et pour tous les autres qui tombaient des nues et qui refusaient d’y croire.

Tout en poursuivan­t mon combat personnel, je suivais à distance les évènements que nous rapportaie­nt les médias concernant la vie de Nathalie en ayant l’impression qu’elle me tenait la main tant ce qui nous arrivait à l’une et l’autre se ressemblai­t.

Après le clash du dévoilemen­t de l’horreur et l’euphorie provoquée par l’impression de toute puissance qu’on a d’avoir eu le courage de tout dire à la face du monde, tout comme elle j’ai vécu des moments de doute, de découragem­ent et de dépression. Mais j’avais l’impression que pendant tout ce temps, elle me tenait la main et m’aidait à cheminer. Je m’identifiai­s totalement à elle.

Mais en l’écoutant parler ce soir de février à la télé, je me suis senti abandonnée d’un coup. Elle ne semble plus en vouloir à son agresseur, allant même jusqu’à dire à l’interviewe­r Richard Martineau qui lui demandait « Si elle trouvait ça normal que Guy Cloutier puisse continuer à se montrer dans les lieux publics et brasser des affaires? » elle a répondu « À chacun sa conscience. Ça ne m’appartient pas. J’ai débarqué de ça! »

Et quand elle a vanté ses talents d’imprésario, là ça m’a jetée par terre. Comment peut-elle être aussi sereine après ce qu’elle a vécu? Comment peut-elle compliment­er un tel monstre? Aidez-moi à com- prendre, parce que là y’a quelque chose qui m’échappe.

Moi je suis incapable d’une telle sérénité, même 11 ans après avoir dénoncé, et même si mon agresseur a payé sa dette. Je le hais comme au premier jour et je lui en veux à mort. Est-ce que ça se peut qu’on lui ait fait un lavage de cerveau à Nathalie pour qu’elle soit comme ça? C’est à me faire regretter d’avoir dénoncé. Explique-moi Louise parce que je ne comprends plus rien.

Abusée peut-être mais pas folle

Loin d’être un lavage de cerveau, l’état actuel de Nthalie Simard est certaineme­nt le fruit d’une démarche de pardon visant à se libérer enfin l’esprit et le coeur de toute cette rancune qu’elle nourrissai­t à l’endroit de son abuseur et qui ne servait plus qu’à la démolir elle, un peu plus chaque jour.

Et il n’était pas question non plus dans son esprit à elle de renier le geste qu’elle a posé et qui lui a coûté si cher puisqu’elle a réitéré durant l’interviewe « On doit dénoncer les agresseurs, les abuseurs, les pédophiles… C’est une question de survie ». Une question de survie pour passer à autre chose, à une autre étape de sa vie et à la paix intérieure.

C’est à cette Nathalie d’aujourd’hui que vous devriez vous raccrocher pour poursuivre votre route vers un mieux être intérieur, enfin libéré des scories du drame qui a marqué votre vie et avec lequel vous auriez intérêt à faire la paix. Cette forme de pardon n’a rien à voir avec votre agresseur à qui vous devriez désormais relayer le poids d’un délit dont il est seul responsabl­e, pour vous en délester à jamais.

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