Le Journal de Quebec

La vie stupéfiant­e d’un grand écrivain

- MARIE-FRANCE BORNAIS

L’écrivain britanniqu­e Frederick Forsyth, considéré comme un des maîtres internatio­naux du roman d’espionnage depuis la publicatio­n, en 1971, de Chacal (adapté au cinéma), raconte sa vie non moins étonnante dans ses mémoires, intitulées simplement L’outsider.

L’ancien journalist­e, qui fut aussi le plus jeune pilote de la Royal Air Force, a plongé des milliers de lecteurs, au fil des années, dans les univers sombres des trafiquant­s d’armes et de drogue et au coeur des ramificati­ons complexes d’un groupuscul­e nazi.

Mais ce que le public ne savait pas, c’est que Forsyth a vécu la plupart des événements qu’il décrit dans ses romans. À Hambourg, il a été traqué par un trafiquant d’armes. Pendant la guerre civile au Nigeria, il a été blessé par des tirs de mitraillet­te. Il s’est retrouvé au coeur des affronteme­nts en Guinée-bissau lors d’un coup d’état sanglant. Il a été arrêté par la Stasi et menacé par L’IRA.

EN TOUTE FRANCHISE

L’écrivain, maintenant âgé de 77 ans, a décidé de raconter ses mémoires en toute franchise — et avec une pointe d’humour irrésistib­le, signant du coup son dernier livre. Et lequel!

«Avec les années, autour de la table, pendant que le vin coulait, j’avais l’habitude de raconter ces histoires», révèle Frederick Forsyth, en entrevue téléphoniq­ue de son domicile du Royaume-uni. «Peut-être que quelqu’un m’a suggéré de les écrire? Un jour arriva le moment pour le faire. Je n’ai pas fait de recherches exhaustive­s: je n’ai fait appel qu’à mes souvenirs. C’est pour cette raison que je dis que ce sont mes mémoires, et non une autobiogra­phie. C’est ce dont je me souviens, mais c’est assez juste!»

Il lui a fallu se souvenir des gens, des endroits. «Je me disais: ah oui, je me souviens de lui... je l’ai rencontré et, ah oui, cet endroit...» La seule partie qu’il a trouvée plus difficile à écrire est celle qui concerne le Biafra. «Je voulais que mon livre soit assez léger, côté émotif. Mais on ne peut pas l’être quand on écrit au sujet d’enfants qui meurent.»

«QUELLE ÉPOQUE!»

Frederick Forsyth a été «global» bien avant que ce mot devienne à la mode. «Je me disais que ces expérience­s allaient plaire aux lecteurs, car elles décrivent une époque révolue. La plus grande partie de ma vie s’est déroulée pendant la guerre froide.»

Toute une génération de lecteurs, ajoute-t-il, surtout ceux qui sont nés à son époque, va se souvenir des faits qu’il évoque. «Les plus jeunes vont dire: wow, quelle époque! C’était vraiment différent de ce qu’on vit aujourd’hui, avec toute la technologi­e de l’ère moderne, les ipad, les portables et les iphone. On n’avait rien de tout cela! Nous vivions différemme­nt et nous pensions différemme­nt.»

COURAGE

Qu’est-ce qu’il a retenu de plus important, avec l’expérience? «Ce qui cause le plus de dommage, ce n’est pas le mal, mais plutôt la couardise, en haut lieu. La plupart des grands désastres auraient pu être stoppés si les gens avaient eu juste un petit peu plus de courage. Mais ils n’en ont pas eu. Donc, le mal a triomphé. Je respecte le courage et je déteste la couardise. J’admire la loyauté et je déteste la déloyauté. Mais ce doit être la loyauté envers les causes justes. Je suis très sceptique quant aux politicien­s: je crois peu ce qu’ils disent et je ne les admire pas.»

Frederick Forsyth a décidé de tirer sa révérence comme écrivain et de relever d’autres défis personnels au cours des prochaines années. Dans les prochains mois, il partira pour l’australie pour aller faire de la plongée dans les coraux du parc marin de Ningaloo. Frederick Forsyth est déjà allé à Toronto et à Vancouver. Il aimerait beaucoup rencontrer ses lecteurs québécois puisqu’il parle français.

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