Toujours plus
Discussion, l’autre jour, avec un ami.
«Mais qu’est-ce qui peut donc pousser des gens – surtout des jeunes – à grossir les rangs d’un groupe comme l’état islamique? me demande mon ami.
– Je ne sais pas. J’imagine que certaines personnes fragiles psychologiquement ont besoin d’absolu, de s’accrocher à un idéal, aussi sanguinaire puisset-il être…
– Mais vivre librement et en paix, ce n’est pas suffisant? Il me semble que tu ne peux pas trouver d’idéal plus noble, d’absolu plus réconfortant, non?»
DES VALEURS TROP MOLLES
Mon ami a raison. La paix et la liberté devraient être des valeurs assez fortes pour étancher la soif d’absolu de n’importe quel individu.
Que peut-on demander de mieux ici bas que de vivre librement et en paix?
Il me semble que s’il y a une cause à défendre bec et ongles, c’est bien celle-là. S’il y a un horizon à viser, c’est bien celui-ci.
Malheureusement, ces valeurs ne sont plus sexy, à notre époque. Trop tièdes, trop molles. Le mot-clé, maintenant, est «intensité».
Tout est intense. La culture, la politique, l’amour, les médias, le sport.
Sport extrême, extrême droite, extrême gauche, sadomasochisme, réalité augmentée, hyper violence, super héros, boissons énergisantes, combats ultimes, torture porno, filmschoc, gangbangs, anarchie, anorexiques, obèses morbides, extra, ultra, hyper, super, méga, archi…
L’autre jour, sur les ondes de France Culture, un philosophe français parlait justement de la «culture de l’intensité» qui marque notre époque.
Avant, expliquait-il, les utopies de gauche et de droite nous promettaient d’autres façons de vivre. Aujourd’hui, ces utopies sont mortes.
À défaut de vivre autrement, on vit maintenant intensément.
Pas «autre chose», mais «la même chose, en plus».
Plus d’ivresse, plus de plaisir, plus d’émotions, plus de sensations, plus de frissons, plus d’exaltation.
Plus.
À défaut de vivre autrement, on vit intensément.
UNE IDÉOLOGIE DE L’EXTRÊME
Alors, la liberté et la paix, à côté, ne font pas le poids.
Ça fait bungalow de banlieue avec une pelouse fraîchement tondue et une piscine hors terre.
Qui tripe sur la banalité en 2016? La modération, la douceur, la moiteur, la tendresse?
L’islamisme, c’est l’extrême de l’extrême. Ça va de l’extrême pureté à l’extrême violence, pas d’entre-deux. Que des pôles. Tu te voiles de pied en cap ou tu te fais sauter.
Regardez ce que disent les femmes qui ont rallié Daech.
Elles sont attirées par la virilité des djihadistes, leur «sens de l’aventure», le fait qu’ils sont prêts à mourir pour leurs idées…
Les derniers «vrais» hommes dans un monde de plus en plus efféminé…
C’est ce qu’elles recherchent: des figures puissantes, intenses, entières.
Extrêmes.
DIEU VOMIT LES TIÈDES
Rappelez-vous la phrase de la Bible (Apocalypse de Jean, chapitre 3)…
«Parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche.» On dirait la devise de notre époque. Qui sait? Le temps est peut-être venu de «débanaliser» la liberté et la paix, de les dépeindre comme des valeurs nobles, puissantes, intenses.
Rendons la démocratie cool à nouveau!
Quoi de plus intense, de plus euphorisant, de plus tripant que de vivre LIBREMENT et en PAIX?