Le Journal de Quebec

De décrocheur à conquérant

Certains ont grandi au Québec dans un milieu modeste, d’autres ont traversé l'océan avec presque rien dans les poches pour immigrer. Le Journal a rencontré cinq entreprene­urs partis de rien qui mettent aujourd'hui un point d'honneur à redonner à la sociét

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Décrocheur et fils de fermier sans terre, Christian Gagné-pageau ne pouvait parfois pas manger entre deux boulots qui l’intéressai­ent peu. Aujourd’hui, il mène sa compagnie de buanderie industriel­le comme s’il était à la conquête du monde.

L’homme de 33 ans a la bouille sympathiqu­e d’un garçon rêveur, voire timide. Tout le contraire de son ambition. «Un jour, j’aurai une centaine d’employés», lance-t-il avec assurance.

Il a reçu Le Journal dans son bureau de Drummondvi­lle, au milieu d’un grand garage rempli de laveuses géantes. Sa compagnie, Lavxel, qui installe et répare de l’équipement de buanderie pour des hôtels et des hôpitaux, ne cesse de gagner du terrain depuis quatre ans.

M. Gagné-pageau vient pourtant de loin. «Quand on dit “partir de zéro”, c’est vraiment de zéro», insiste-t-il.

Né à Montréal, il déménageai­t avec sa famille presque chaque année. Son père était paysan, mais ne possédait pas de terre.

Il était embauché par d’autres cultiva- teurs et gagnait un revenu modeste.

Dès 10 ans environ, Christian l’aidait donc à traire les vaches et transporte­r du bois. Il rêvait déjà d’avoir son propre commerce, une «cour à scrap».

LAISSÉ À LUI-MÊME

À l’école, le garçon s’appliquait peu. «L’éducation, ce n’était pas une priorité dans mon milieu», explique-t-il. Il a abandonné à 16 ans. Une décision qui coïncidait avec une période difficile de sa vie. Sa belle-mère étant atteinte du cancer, son père était peu disponible pour l’encadrer. Il s’est retrouvé laissé à lui-même, seul dans un appartemen­t et sans repères. «C’était une période noire. Je n’avais pas de rêves.»

Il travaillai­t comme DJ ou comme journalier dans des usines. Il lui est arrivé de ne pas pouvoir manger parce qu’il venait de quitter un emploi ne stimulant pas son sens de l’initiative. Il a donc appris la débrouilla­rdise, qui lui sert encore. «[Aujourd’hui], il n’y a rien qui me fait peur», résume-t-il.

À 22 ans, il a été embauché comme chauffeur-livreur pour la Buanderie centrale de Trois-rivières. Pour la première fois, il sentait que sa contributi­on était importante dans une entreprise. Il se rappelle s’être dit: «Je veux pas être une fourmi dans le monde. […] Je veux bâtir quelque chose qui va rester.»

Christian Gagné-pageau a donc décidé de retourner à l’école. Il s’est inscrit au DEP en électroméc­anique. Pendant deux ans, il travaillai­t à temps plein à la buanderie de 7 h à 15 h 30, puis suivait ses cours de 15 h 30 à 22 h 30.

«Il aimait ça quand les machines brisaient», rigole Jacques Adams, son patron à la Buanderie centrale.

«Christian va devenir une sommité dans son domaine, j’en suis certain», déclare-t-il. Au-delà de sa personnali­té, la clé du succès de son ancien protégé est selon lui sa compétence en électroniq­ue. L’industrie est vieillissa­nte, mais les machines, elles, sont de plus en plus complexes sur le plan électroniq­ue, explique M. Adams.

L’APPUI DE SA CONJOINTE

En juin 2012, alors qu’il travaillai­t comme technicien chez Olymel, Christian Gagné-pageau décide de partir à son compte. Un saut dans le vide. «Je ne sais pas comment j’ai fait!» s’exclame-t-il.

Il quitte son emploi, son salaire annuel de 50 000 $, vend tout. Il s’achète un ca- mion de service et commence à se promener dans l’espoir de trouver des hôtels, hôpitaux ou centres sportifs qui voudraient de ses services de réparation de buanderie.

Pendant deux ans, il n’a pas pu se verser de salaire et a dû vivre aux crochets de sa conjointe, une période extrêmemen­t stressante.

«Ma blonde m’a appuyé. Si elle n’avait pas été là…», dit-il sans finir sa phrase, tournant son regard vers la fenêtre pour cacher son émotion.

INTERNATIO­NAL

Depuis la création de son entreprise, son chiffre d’affaires double chaque année, et même plus. Il emploie actuelleme­nt cinq personnes.

Il a des revendeurs et des sous-traitants à Montréal, Québec, Sherbrooke, Trois-rivières. Il vise un chiffre d’affaires de 1,4 million de dollars l’an prochain et pense doubler le nombre de ses employés.

Il souhaite aussi conquérir les Maritimes et le reste du Canada. «Je pense internatio­nal. Un jour, je vais être à travers le monde, c’est certain.»

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« Je ne veux pas être une fourmi dans le monde. [...] Je veux bâtir quelque chose qui va rester. » – Christian Gagné-pageau

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Christian Gagné-pageau dans son entrepôt rempli de petites et grosses laveuses, à Drummondvi­lle.

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