Le Journal de Quebec

Trump le pollueur

- denise bombardier eblogueuse ∫ au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure

Depuis des mois, toute la presse américaine sauf le réseau Fox et les radios-poubelles est déchaînée contre Donald Trump, l’inqualifia­ble président potentiel des États-unis.

La notoriété de ce personnage caricatura­l, dont on connaît les outrages, les mensonges et la grossièret­é extensible à l’infini en fait la créature médiatique la plus accomplie de l’informatio­n-spectacle.

En décembre dernier, j’ai eu l’occasion de dîner en compagnie de l’ancien maire de New York, Rudy Giuliani, l’ex-démocrate et maintenant républicai­n, tout comme Trump, dont il est devenu le plus ardent défenseur. «Trump est un génie», m’a dit mon célèbre voisin de table. «Il a compris, contrairem­ent à vous, les journalist­es, que la politique du XXIE siècle n’est que du divertisse­ment.» («Politics is nothing more than entertainm­ent nowadays.»)

UN DÉBAT RISQUÉ

Ce soir, on aura encore l’occasion de le constater lors de ce premier débat entre les deux candidats. On pourra jusqu’à en éprouver du malaise observer le double piège dans lequel Hillary Clinton risque de tomber. D’abord, la candidate démocrate ne parle jamais sans filet. C’est plutôt le contraire, puisqu’en matière de moeurs politiques elle n’est pas irréprocha­ble. Ce qui permet à Trump de l’attaquer au vitriol. De plus, en tant que femme, il lui est impossible sinon interdit de se laisser polluer par la manière Trump. Elle ne peut crier, ni jurer, ni user d’un langage aux relents d’égouts.

Donald Trump est politiquem­ent si faisandé que même George W. Bush ne l’appuie pas. En fait, et cela est moins paradoxal qu’il n’y paraît, Trump a réussi par sa personnali­té et non par les préjugés qui lui servent d’idées à devenir l’incarnatio­n du désespoir de cet électorat d’hommes blancs, ces membres de la sous-classe moyenne, victimes de la désindustr­ialisation de l’économie occidental­e. Ce sont des appauvris sans perspectiv­e d’avenir, des impuissant­s sur le plan social, des laissés pour compte du système d’éducation qui croient, non sans raison, qu’ils sont les perdants du rêve américain.

Trump entretient leurs peurs en les nommant, alors que Hillary Clinton, pur produit du système élitiste et méritocrat­ique américain, méprise les partisans de Trump en les qualifiant de «déplorable­s» tout en pratiquant un discours aussi vertueux que théorique.

DÉMAGOGUE ET POPULISTE

En fait, Trump occupe tout le terrain de la démagogie et du populisme, car il est blindé contre toutes les attaques de ses adversaire­s. C’est ce qui en fait un être monstrueux, psychologi­quement parlant. Le doute ne l’habite pas. Et il renvoie les coups à la manière d’un boxeur délinquant.

Tant que nous tenterons d’analyser Trump en usant notre raison, nous sommes condamnés à l’incompréhe­nsion. Comment expliquer qu’un multimilli­onnaire aux pratiques douteuses passe aux yeux des pauvres pour leur défenseur? Comment dans un pays imbibé de rectitude politique, Trump l’injurieux, le roi de l’amalgame, le briseur de tabous, qui dénonce les Hispanique­s fainéants, qui veut expulser des millions d’immigrants clandestin­s, qui attaque les héros militaires peut-il talonner en ce moment dans les sondages Hillary Clinton?

Donald Trump est la preuve vivante de l’impuissanc­e des médias à influencer l’opinion publique. Plus les médias le dénoncent, plus il trouve de nouveaux appuis parmi l’électorat.

Peu importe ce soir la performanc­e de Hillary Clinton, si Trump se déchaîne, les médias l’accableron­t et cela pourrait encore augmenter le nombre de ceux qui ont foi en lui. Hélas!

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Tant que nous tenterons d’analyser Trump en usant notre raison, nous sommes condamnés à l’incompréhe­nsion.

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