Les Québécois décodés
Comme politologue, je me méfie d’office de tout grand «portrait» dont la prétention est de révéler l’essence même d’un peuple. Exception à la règle, l’ouvrage Le Code Québec étonne par la clarté de son propos et la perspicacité de ses constats documentés et livrés sans complaisance.
Signé par l’omnisondeur Jean-marc Léger, le professeur Jacques Nantel et le journaliste Pierre Duhamel, leur radiographie de notre sacro-saint «nous» collectif est audacieuse.
À vrai dire, comme les auteurs le démontrent brillamment, les Québécois sont des créatures politiques et sociales grégaires, mais truffées jusqu’aux oreilles d’immenses paradoxes.
«Égalitaires», ils tiennent avec raison à leurs services publics, ne rechignent pas à payer leur dû au trésor public, mais du même coup, ils sont peu «communautaires» et férocement individualistes.
...les Québécois sont des créatures politiques et sociales grégaires, mais truffées jusqu’aux oreilles d’immenses paradoxes
NOMBREUX PARADOXES
Leur côté cigale les rend épris des plaisirs du «moment présent». Y compris la bonne bouffe, le bon vin et ce besoin insatiable de «rire» en foule, courtoisie de notre vaste «industrie» de l’humour. À l’opposé, leur côté fourmi les rend souvent inquiets de l’avenir.
«Consensuels», un brin «peureux» et dédaignant la «chicane», par deux fois, ils ont néanmoins voté massivement sur le sujet le plus contentieux qui soit pour eux: rester au Canada ou fonder un pays.
Malgré leur statut de minoritaires dans un pays qui les indiffère royalement, ils se voient de moins en moins comme des «victimes». En d’autres termes, l’image d’un René Lévesque, éternel et tristounet perdant devant le ratoureux Pierre Elliott Trudeau, ne parle plus vraiment qu’aux nostalgiques.
«Fiers», les Québécois restent tout de même à fleur de peau dès que la moindre critique du Québec s’exprime à l’extérieur de ses frontières.
«Mal à l’aise devant les signes religieux», ils s’entichent d’une laïcité fantasmée, mais sont nombreux à refuser de sortir le crucifix des murs de leur propre parlement. Comme disent les Anglais, «go figure»…
NATURE, AUTOROUTES ET CENTRES D’ACHAT
«Villageois» dans l’âme, ils rêvent de la nature, aiment vivre en région ou dans une «petite» ville tout en multipliant les autoroutes et les centres d’achat.
«Villageois», ils peuvent être plus d’un million à «regarder» la même émission. Et aux élections, plus nombreux encore à faire tous ensemble la même vague, qu’elle soit bleue, orange ou rouge.
Le Code Québec nous décortique également selon les générations. Celle d’avant 1945 – donc, moins éduquée par la force de l’époque –, étant la plus silencieuse et la plus consensuelle. Celle des baby-boomers, la plus créative.
Les milléniaux seraient quant à eux plus fiers encore, entrepreneurs, ambitieux, ouverts sur le monde, axés sur leur enrichissement personnel tout en se souciant de l’environnement.
Traduit en termes politiques, ce dernier constat devrait surtout inquiéter la plupart des chefs de parti au Québec. Lesquels, hormis pour un certain Justin Trudeau au fédéral, peinent de toute évidence à intéresser les plus jeunes aux affaires de leur propre Cité.
De quels lendemains tout cela accouchera-t-il pour les Québécois d’ici dix ou vingt ans? Bien malins ceux qui en possèdent déjà le «code»…