Optilab : de la buée dans le microscope
Le ministre de la Santé continue de défendre la démarche de centralisation des laboratoires de biologie médicale. Ce projet appelé Optilab n’est pas dépourvu de sens, mais plusieurs aspects vacillants de sa mise en place devraient l’inciter à la plus grande prudence.
Le ministre Gaétan Barrette a l’habitude de foncer tête baissée lorsque vient le temps d’implanter ses réformes. Je le sens un peu plus prudent avec celle-ci.
L’idée est assez simple: créer des «super laboratoires» très bien équipés dans chaque région et y concentrer la plus grande partie des analyses. Le ministère croit pouvoir faire des économies tout en s’appuyant sur des centres d’expertise solides. Attrayant… si tout se passe bien.
Je ne suis pas spécialiste des technologies médicales, ni des analyses de laboratoire, ni de l’organisation de la santé. Cependant, quelques décennies à observer les décisions gouvernementales m’ont fourni des repères pour voir venir les fiascos à l’horizon. Dans le dossier Optilab, plusieurs clignotants s’activent dans le tableau de bord.
VIVE OPPOSITION
D’abord, le projet suscite de vives inquiétudes chez plusieurs intervenants et carrément une opposition totale chez d’autres. Je ne suis pas naïf. Une partie de cette résistance est d’ordre syndical. Les économies de 75 millions $ se feront en partie par des réductions de personnel. Aucun syndicat n’approuvera une telle chose.
Cependant, cette contestation-ci dépasse nettement la question de la défense des intérêts syndicaux. Les hôpitaux des régions sont préoccupés par les réductions de service qui pourraient découler de la perte de leur laboratoire. Les médecins spécialistes demandent à être rassurés.
Les patients aussi ont de quoi s’inquiéter. Des gens en chimiothérapie qui avaient le même jour la prise de sang, l’analyse et le traitement pourraient par exemple être dorénavant forcés de faire cela en deux visites distinctes à l’hôpital. Désagréable.
GRANDS RISQUES
Parmi les conditions essentielles pour faire d’optilab un succès, il faut que deux processus soient tout simplement parfaits: le transport des échantillons et l’informatique. Jusqu’à maintenant, toute personne raisonnable et moyennement informée ne manque pas de motifs pour être pessimiste.
En matière de transport des échantillons, la critique péquiste en santé a exposé cette semaine des exemples de lacunes flagrantes. Des échantillons oubliés dans une glacière dans le coffre d’un taxi, une ponction de moelle osseuse perdue, des prélèvements importants traînant sur des comptoirs, les exemples frappent l’imagination.
On aura beau dire que ce sont des exceptions, c’est quand même préoccupant. Imaginons maintenant ce qui pourrait arriver en multipliant le nombre de transports et de manipulations des échantillons à analyser.
Quant à l’informatique, si vous n’êtes pas convaincu de l’incurie du gouvernement et en particulier du ministère de la Santé en la matière, je vous propose un exercice. Allez relire les dizaines et dizaines d’articles publiés dans ce journal sous la rubrique «Le bordel informatique». Vous y découvrirez des horreurs pires que dans les films qui sortiront le week-end de l’halloween.
Le ministre Gaétan Barrette a l’habitude de foncer tête baissée lorsque vient le temps d’implanter ses réformes. Je le sens un peu plus prudent avec celle-ci.
Peut-être que son petit doigt lui dit la même chose que le mien. Prudence…