Le Journal de Quebec

Comment faire entendre ma douleur?

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Je suis la maman de deux enfants. Mon plus vieux a trois ans et ma petite dernière n’a que deux mois. Mes deux accoucheme­nts furent vécus avec beaucoup de difficulté­s parce que j’avais vécu il y a six ans un deuil périnatal. J’ai perdu une petite fille à 36 semaines de grossesse. Un beau matin son coeur a cessé de battre. Vous dire ce que ça m’a fait est indescript­ible. Avec mon mari on avait tout fait correct et je prenais très mal de me voir ainsi privée de ma fille.

J’ai mis trois ans avant de retomber enceinte. J’avais tellement peur de revivre un aussi gros chagrin qu’il a fallu que je mette mes deux enfants au monde avant de commencer à me réjouir de leur présence. Mais le pire, c’est qu’à part mon conjoint, personne n’avait le goût de m’écouter parler de mon deuil. Comme si j’allais jeter un mauvais sort sur mes enfants à venir en parlant de celle qui avait cessé de respirer avant de venir au monde.

Encore aujourd’hui il m’arrive de penser à elle et de pleurer sur son triste sort. Mais je me sens si bête d’être ainsi, que je préfère vivre ma peine en silence. Suite à mon premier accoucheme­nt réussi, j’ai fait une dépression importante. Le médecin attribuait cela au souvenir du deuil de mon premier bébé. Je pensais m’en être sortie, mais ce fut pareil après mon dernier accoucheme­nt. Je n’arrive pas à retrouver ma forme et je me sens triste à mourir alors que ma petite fille est un amour d’enfant.

Pensez-vous que ce soit encore dû à la perte de mon premier bébé? Est-ce possible que ça dure aussi longtemps? Comment dire à mon entourage ce que je ressens sans rebuter tout le monde? Je n’en peux plus de me faire dire que je suis encore jeune et qu’un jour le souvenir de ma petite fille retournée au ciel va s’estomper. Car dans le fond, je crois que je ne veux pas l’oublier. Comment faire pour m’en sortir et ne pas être obligée de prendre des médicament­s comme après la naissance de mon fils? Annie

Pourquoi ce serait mal de prendre une médication si ça vous aide à mieux vivre ce passage? Ce genre de deuil est encore très tabou, mais ce n’est pas une raison pour vous taire et garder votre douleur en dedans. Il faut en parler avec votre conjoint et surtout avec votre médecin. Il faut sortir la peine qui vous bloque et vous empêche d’être totalement heureuse avec vos deux petits. La psychologu­e spécialisé­e en deuil Josée Jacques a beaucoup écrit sur le sujet et vous devriez vous plonger dans ses écrits. De plus, une maman du nom de Valérie Dorion qui a vécu quelque chose de semblable a fondé un club privé sur Facebook qui compte plus d’un millier d’adeptes dont la majorité a vécu un tel drame. Ce serait une belle tribune pour vous exprimer sans détour et être comprise. Il faut surtout éviter de vous replier sur vous-même, car c’est en ventilant une source d’angoisse qu’on finit par l’extirper.

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