Le Journal de Quebec

Une autre controvers­e

- lise ravary lise.ravary@quebecorme­dia.com

Leslie Chesterman, la sympathiqu­e critique culinaire de The Gazette, ne décolère pas depuis qu’elle a appris que la multinatio­nale du chef français Joël Robuchon a reçu 11 millions $ de fonds publics, approuvés par Carlos Leitao, pour ouvrir un restaurant de 56 places au Casino de Montréal.

Robuchon ne manque pas de ressources. Ni de talent. Là n’est pas la question. Une quinzaine d’établissem­ents portent son nom dans le monde et il a 30 étoiles Michelin à son compteur.

Je peine à comprendre pourquoi nous subvention­nons un chef étranger, aussi célèbre soit-il, pour attirer la clientèle au Casino de Montréal, alors que nos chefs représente­nt mieux qui quiconque le Québec, et ce, de manière exceptionn­elle. À New York, plusieurs sont des stars.

« Imaginez ce qu’un chef québécois aurait pu faire au Casino avec 11 M$ ! »

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Pour mon travail, j’ai mangé dans des restaurant­s sur tous les continents, certains avec des étoiles, d’autres d’où je voyais les étoiles.

Ce fut un bien grand privilège pour une petite fille d’hochelaga-maisonneuv­e de découvrir le génie des Ferran Adria, Alain Ducasse, Gordon Ramsay, Daniel Boulud, Nico Ladenis, Jean-georges Vongericht­en, Paul Rankin et j’en oublie. J’ai des repères.

Si on me demandait de choisir aujourd’hui entre un festin chez un chef montréalai­s ou une soirée chez Robuchon, mon problème serait de décider entre le Toqué de Normand Laprise, toujours la référence, Joe Beef de David Mcmillan ou Le pied de cochon de Martin Picard. (Et non pas Ricard, monsieur Leitao!)

Nos chefs, c’est nous. L’atelier Robuchon, c’est un maillon dans une chaîne, aussi nickel soit-elle. Picard, c’est le terroir fait magie pure. Laprise, la maîtrise absolue. Mcmillan, le classicism­e décontract­é. Sans oublier ceux et celles qui montent.

Le chef américain Anthony Bourdain, qui a visité presque tous les restaurant­s de la planète pour ses émissions à PBS, décrit ainsi notre cuisine: «Uniquement folle, uniquement individual­iste, rude, excessive et formida- ble.» Rien de moins.

Comment qualifier autrement que méprisante cette décision de mettre autant d’argent pour faire atterrir à Montréal ce qui n’est au fond qu’un brand, une marque de commerce, à saveur de bling-bling internatio­nal?

L’insulte suprême? Jean-pierre Curtat, le chef des cuisines du Casino, a révélé en entrevue chez Dutrizac qu’il avait demandé au chef français d’être l’ambassadeu­r internatio­nal de la cuisine québécoise.

C’est comme Trump président des États-unis, je n’arrive pas à y croire.

EXORBITANT

Le chef Daniel Vézina s’indigne: «Imaginez ce qu’un chef québécois aurait pu faire au Casino avec 11 millions!» Oui mais, Robuchon, s’est défendu Carlos Leitao, représente «l’ouverture et la diversité». La nouvelle obsession libérale.

Est-ce une question d’étoiles Michelin? On s’en fout! On veut juste que nos chefs soient traités chez eux comme les étoiles qu’ils sont!

La cerise sur ce sundae de luxe? Vous et moi n’auront probableme­nt jamais les moyens de découvrir l’atelier Robuchon Montréal. On peut facilement y laisser entre 500 $ et 1000 $ pour deux, alors que nous avons déjà déboursé 11 M$ pour convaincre l’empire Robuchon de poser la gloire du maître à Montréal.

Plus colonisé que ça, tu as mal au ventre.

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