Le Journal de Quebec

NOS SOUS-MARINS ONT PEUR DE L’EAU

3 milliards $ pour être à quai 91 % du temps

- BUREAU D’ENQUÊTE Sarah-maude Lefebvre l Smlefebvre­jdm

Les quatre sous-marins de l’armée canadienne, qui ont coûté jusqu’ici plus de 3 milliards de dollars aux contribuab­les, sont rarement à l’eau, a appris notre Bureau d’enquête.

Globalemen­t, les quatre sous-marins canadiens ont été à quai ou en cale sèche 91 % du temps depuis leur mise en service au début des années 2000.

Notre Bureau d’enquête a dû faire plusieurs démarches au cours des derniers mois avant d’obtenir finalement ces chiffres grâce à la Loi sur l’accès à l’informatio­n.

Les sous-marins sont des machines très complexes qui ne peuvent être constammen­t en mer.

Malgré cela, tous les experts en équipement militaire consultés estiment que le taux d’utilisatio­n des sous-marins est très bas et que leurs performanc­es sont plus que décevantes.

«Le Canada a payé énormément cher pour ces sousmarins. En moyenne, ils ont passé une vingtaine de jours en mer ces dernières années. Sur 17 ans! C’est franchemen­t une honte. La Marine sait très bien que ses sous-marins ont été un mauvais achat, mais elle refuse de le reconnaîtr­e», lance Jean-christophe Boucher, professeur à l’université MacEwan, à Edmonton.

HORS SERVICE PENDANT 10 ANS

Par exemple, le sous-marin NCSM Chicoutimi, endommagé par un incendie en 2011, a été hors service pendant une dizaine d’années.

D’autres, comme le NCSM Victoria, n’ont été dans l’eau qu’une vingtaine d’heures certaines années ( voir les articles en page 4).

De tous les sous-marins, seul le NCSM Victoria a réussi à lancer une torpille armée, en 2012.

Achetés au Royaume-uni en 1998 au coût de 750 millions de dollars, considérés à l’époque comme une aubaine, les quatre sous-marins usagés ont nécessité des années de réparation­s pour être mis à jour.

La facture dépasse maintenant 2,6 milliards $, soit trois fois plus que le coût d’acquisitio­n des sous-marins. Rouille, équipement désuet, maintenanc­e ardue: les problèmes se sont multipliés au cours des dernières années.

«Les statistiqu­es montrent bien à quel point la Marine a eu de la difficulté à rendre ses sous-marins opérationn­els», souligne Andrea Lane, du Centre for Foreign Policy Studies de l’université de Dalhousie.

«Le petit nombre de jours où les sousmarins sont opérationn­els est impression­nant. Les sous-marins sont importants pour notre défense. Mais avec des chiffres comme ceux-là, on peut se demander si ça valait la peine de les acheter. Comme contribuab­le, je comprends que l’on se pose des questions.»

LA SOLUTION: PLUS D’ARGENT

Plusieurs facteurs expliquent pourquoi les sous-marins de la classe Victoria prennent aussi peu la mer.

Sur un cycle de 12 ans, les sous-marins font actuelleme­nt l’objet de trois opérations différente­s de maintenanc­e pour rester viables, en plus des trois ans où ils subissent de grands travaux en cale sèche.

À cela s’ajoute aussi le manque de personnel qualifié pour manoeuvrer ces grands submersibl­es, pointent les experts.

«Il y a aussi un problème de financemen­t. Ça nous coûte une petite fortune et il faut trouver les budgets. Le NCSM Chicoutimi a été laissé de côté pendant des années parce qu’on ne voulait pas investir l’argent nécessaire pour le mettre à niveau», dit l’ex-lieutenant-colonel et analyste militaire Rémi Landry.

La solution: peut-être plus d’argent, avance Andrea Lane.

«Ça peut paraître bizarre avec tout l’argent qu’on a déjà investi, mais c’est essentiel pour rendre les sous-marins plus opérationn­els à long terme.»

« C’EST FRANCHEMEN­T UNE HONTE. LA MARINE SAIT TRÈS BIEN QUE SES SOUS-MARINS ONT ÉTÉ UN MAUVAIS ACHAT » – Jean-christophe Boucher, professeur

 ??  ??
 ??  ?? À LIRE DEMAINDes drones pour remplacer nos sous-marins ?
À LIRE DEMAINDes drones pour remplacer nos sous-marins ?

Newspapers in French

Newspapers from Canada