Des avocats veulent précipiter leur départ à la retraite
La menace d’une loi spéciale brandie par Québec est considérée comme une catastrophe par des juristes de l’état
En grève depuis 18 semaines, des juristes de l’état veulent précipiter leur départ à la retraite devant l’impasse des négociations et la menace d’une loi spéciale qui pourrait les forcer à retourner au travail cette semaine.
«Il y a des gens qui, pendant la grève, ont quitté, des jeunes. Personnellement, j’en connais deux. Et moi, je vais quitter un an d’avance, en avril, parce que je ne veux plus rien savoir de ce gouvernement-là. Je suis écoeuré!» mentionnait Me Jean Denis, président de LANEQ [Les avocats et notaires de l’état québécois], quelques minutes avant de faire l’annonce en conférence de presse d'une contreproposition au gouvernement, qui a été rejetée quelques heures plus tard.
L’avocat légiste du ministère de la Justice depuis 32 ans, Me Pascal Renauld, songe lui aussi à quitter le navire plus tôt que prévu.
LES JEUNES VONT ÉCOPER
«J’étais censé partir dans deux ans, mais en rentrant [après l’imposition de la loi spéciale], je fais mes calculs et si je peux sacrer mon camp je le fais!» fulminait Me Renaud, en précisant en connaître «au moins 10» comme lui. «Si on rentre jeudi à cause de la loi spéciale, ils vont signer leurs pa- piers en disant bonsoir, c’est fini», a-t-il ajouté.
Me Renauld se désole de ces décisions drastiques, qui auront inévitablement des répercussions chez les jeunes juristes. «J’avais deux ans pour aider mes collègues plus jeunes que moi à faire de la législation, à leur montrer comment se comporter quand un sous-ministre fait de la pression, etc. Maintenant, cette expérience, ils iront se la chercher ailleurs», a-t-il mentionné.
L’annonce du recours à une loi spéciale pour mettre fin au litige qui oppose les 1100 juristes de l’état au gouvernement du Québec serait «catastrophique» pour l’ambiance de travail, selon Me Denis. «Il [le ministre Pierre Moreau] vivra avec les gens qui auront une humeur de boeuf», at-il indiqué, avant d’ajouter que cette loi «sera déclarée inconstitutionnelle».
Me Denis a par ailleurs ajouté que LANEQ avait entamé une poursuite en dommages et intérêts contre le gouvernement du Québec. «Nous sommes à l’étape de conciliation et la loi spéciale n’arrêtera pas les procédures», a-t-il admis.
CONTREPROPOSITION
Dans sa contreproposition, qui a été rejetée hier, LANEQ demandait la parité salariale avec les procureurs aux poursuites criminelles et pénales, et proposait la création d’un comité qui réalisera un exercice de rémunération globale, qui serait tranchée par l’institut de la statistique du Québec, jugée «neutre» par les juristes.
Le gouvernement devrait voter une loi spéciale les forçant à retourner au travail aujourd'hui.