Le Journal de Quebec

Les enragés québécois

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Les enragés au Québec – et ils sont nombreux si l’on en juge par les médias sociaux – tirent à vue à gauche comme à droite. Rien n’échappe à leur vindicte. Les politicien­s, les tribunaux, la police, les médias, le monde des affaires, les artistes, les syndicats, toutes ces élites, en fait, qui incarnent le pouvoir.

Le populisme est donc plus enraciné qu’on le croit. Et, surtout, les enragés n’ont plus besoin des canaux officiels pour s’exprimer. Ils n’attendent pas d’invitation des médias pour diffuser leurs opinions aussi contradict­oires qu’explosives ou diffamatoi­res. Assis devant leur ordinateur, bien planqués, souvent anonymes, ils se défoulent, défoulant aussi tous ceux qui, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, ne croient plus au «système». Ce «système» qu’attaque Donald Trump et auquel il appartient comme ses ministres quasiment tous milliardai­res. Mais l’élite intellectu­elle ne lui reconnaît guère de légitimité et le perçoit plutôt comme un hurluberlu.

MALAISE SOCIAL

Le cas du Québec est différent. Mais le malaise social qui a porté Donald Trump au pouvoir aux ÉtatsUnis est de même nature chez nous. On constate que de nombreux citoyens rejettent des institutio­ns qui, historique­ment, nous ont permis de prospérer et qui semblent désormais inopérante­s ou moralement suspectes lorsqu’elles ne sont pas corrompues.

Le «système» abhorré inclut l’absence de vision sociale des politicien­s, la mondialisa­tion que le peuple associe à la fermeture d’usines, au chômage et à l’enrichisse­ment vertigineu­x des multinatio­nales dont les dirigeants empochent des milliards.

Le «système», c’est le multicultu­ralisme, où le concept de diversité détrône le nationalis­me et l’affirmatio­n identitair­e. C’est le dysfonctio­nnement des services publics, santé et éducation au premier chef. Devant ce «système», les gens se sentent impuissant­s, aliénés. Ils estiment que, quelle que soit la façon dont ils votent, critiquent et protestent, ils sont laissés pour compte.

La rage est le moteur de la vie de ces citoyens partout en Occident. Au Québec, des décennies d’histoires de corruption ont plombé la confiance populaire. Hier, c’étaient des maires et des entreprene­urs véreux, aujourd’hui ce sont des dirigeants policiers, des comptables, des pharmacien­s et autres fraudeurs de vieilles personnes, et des menteurs profession­nels.

LA CLASSE MOYENNE

Dans ce paysage sombre, des personnali­tés charismati­ques, trop souvent plus ignorantes qu’éclairées, attirées par le pouvoir et attentives à la colère de la petite classe moyenne mal-aimée, voire méprisée, se préparent à émerger. Car le Québec n’est pas à l’abri d’un parti de droite musclé, une réponse, sans doute, à l’arrogance de nos gouvernant­s et à l’infiltrati­on idéologiqu­e d’une gauche modelée sur le cléricalis­me passé.

La présence des enragés dans notre société n’est plus un épiphénomè­ne. Elle s’inscrit dans un courant plus large et met en lumière les limites de la démocratie telle qu’elle s’est vécue dans les pays de liberté et de droit.

Les citoyens ont besoin de sentiments tels que la confiance et l’admiration envers autrui. Ils ont besoin de respect, de compréhens­ion et d’espoir d’un monde meilleur. La rage, même justifiée, est la pire conseillèr­e. Nos politicien­s devraient s’en alarmer.

La présence des enragés dans notre société n’est plus un épiphénomè­ne. Elle s’inscrit dans un courant plus large.

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BOMBARDIER eblogueuse∫ au Journal
DENISE BOMBARDIER eblogueuse∫ au Journal

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