Le Journal de Quebec

Islamophob­ie et les droits de la personne

- houda-pepin

Une frénésie s’est emparée des gouverneme­nts et des parlements en Occident, Canada inclus, autour du débat sur l’islamophob­ie.

On a eu droit à beaucoup d’invectives et à des élans de victimisat­ion et d’autoflagel­lation. Des politicien­s qui font leur mea culpa, des universita­ires et des journalist­es qui s’autocensur­ent. Bref, le monde occidental est en émoi.

Cette tension fait écho à une agitation tous azimuts des islamistes radicaux pour faire avaler l’islamophob­ie aux démocratie­s occidental­es. Pour en comprendre le sens et la portée, il faut remonter au débat sur la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme (DUDH) aux Nations unies.

Dès le départ, la DUDH a été contestée, notamment par l’arabie saoudite, qui a pesé de tout son poids sur la dizaine de pays musulmans membres de L’ONU à l’époque. Elle a été adoptée, le 10 décembre 1948, après d’âpres négociatio­ns.

Au coeur du litige, un conflit entre deux conception­s des droits de la personne, une laïque, portée par les pays démocratiq­ues, et une théocratiq­ue, défendue par le régime wahhabite, qui a fait du salafisme politique et djihadiste sa religion d’état.

L’arabie saoudite s’est opposée à plusieurs dispositio­ns de la DUDH, notamment les articles 1, 13, 16 et 18. Elle s’est déclarée: 1) contre le principe selon lequel «tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits»; 2) contre le fait que «toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État», considéran­t qu’il est interdit aux non-musulmans de circuler à la Mecque; 3) contre le «libre consenteme­nt des époux» en cas de mariage, car, dans le royaume de la débauche, la pédophilie est légitimée par des mariages arrangés avec des petites filles; enfin, 4) contre «la liberté de pensée, de conscience et de religion», car ce droit implique la liberté de changer de religion. Or, l’apostasie est un crime qui appelle la peine capitale.

L’ISLAMOPHOB­IE: UN COMBAT INTERNATIO­NAL

En 1969, l’organisati­on de la coopératio­n islamique (OCI), sorte de «Nations unies du monde musulman» voit le jour et 40 ans après l’adoption de la DUDH, que l’arabie saoudite n’a jamais signée, L’OCI, qui regroupe une soixantain­e d’états musulmans, va se doter d’une Déclaratio­n sur les droits de l’homme en islam.

Plusieurs versions ont été élaborées, dont la «Déclaratio­n des droits et des obligation­s fondamenta­les de l’homme en islam», en 1979, qui repose sur la charia comme seul fondement juridique.

Elle sera suivie, en 1981, du projet de «La Déclaratio­n sur les droits de l’homme en islam» avec des références explicites à la charia comme seule source de droit. On y décrète que les droits et libertés en islam sont «des dispositio­ns divines (...) que personne n’a le droit de violer, d’entraver ou d’ignorer, totalement ou partiellem­ent». Le principe de l’égalité entre l’homme et la femme en droit y est proscrit.

Une troisième et une quatrième mouture ont été présentées à L’OCI. Celle de 1983, à Decca, au Bangladesh, légèrement libérale, n’a jamais été proclamée par les États membres, et celle du Caire, qui sera adoptée le 5 août 1990.

LA SUPRÉMATIE DE LA CHARIA

Cette dernière sera la bonne. C’est la «Déclaratio­n du Caire sur les droits de l’homme en Islam», soumise entièremen­t à «foi islamique». Elle réaffirme la suprématie de la charia et constitue une rupture avec la vision universell­e des droits de la personne, dont elle rejette les principes fondamenta­ux.

Elle introduit le concept de la Oumma (communauté musulmane) appelée à jouer un rôle actif pour «éclairer la voie de l’humanité». L’égalité hommes-femmes en droit y est absente et la liberté de religion, de conscience et de croyance y est proscrite, notamment au chapitre du délit d’apostasie, qui est punissable de la peine de mort.

Ce débat sur deux conception­s incompatib­les des droits de la personne, l’une portée par les pays démocratiq­ues et l’autre par un régime wahhabite ne tardera pas à se transposer en Occident. L’arabie saoudite mettra tout son poids derrière les groupes salafistes qu’elle financera pour y promouvoir l’implantati­on de la charia et le concept de l’islamophob­ie.

Or, l’islamophob­ie ne vise pas la lutte contre le racisme, puisque les sociétés démocratiq­ues disposent déjà de chartes et d’instrument­s juridiques pour le combattre.

L’islamophob­ie ne s’applique qu’à une seule religion, l’islam. Elle vise essentiell­ement à limiter la liberté d’expression en cette matière pour faire taire toute réforme interne à l’islam ou tout questionne­ment en lien avec les mouvances islamistes radicales, à l’oeuvre en Occident, afin de leur permettre d’avancer leur programme politique en toute impunité.

Si «le délit du blasphème» ou islamo- phobie avait existé il y a 12 ans, je n’aurais pas pu présenter la motion contre l’implantati­on des tribunaux dits islamiques au Québec et au Canada, la faire adopter à l’unanimité de l’assemblée nationale, le 26 mai 2005 et faire reculer le gouverneme­nt de l’ontario sur cette dérive.

LE BRAS LONG DES FRÈRES MUSULMANS

Nombreuses sont les organisati­ons islamistes qui tissent leurs toiles en Occident depuis des décennies. Leurs idéologues n’ont ménagé aucun effort pour saper les bases de la démocratie. C’est notamment le cas des Frères musulmans et de leurs bras agissants, les collectifs contre l’islamophob­ie qui ont essaimé en Europe et en Amérique du Nord, notamment au Québec et au Canada.

Ils n’hésitent pas à déployer leurs tentacules jusqu’aux hautes sphères des gouverneme­nts et des parlements occidentau­x ainsi que dans l’ensemble de ces sociétés où les musulmans qui aspirent à vivre en harmonie assistent incrédules à la montée des groupes salafistes qu’ils ont fui dans leurs pays d’origine et qu’ils voient s’ériger, ici, en «interlocut­eurs officiels des gouverneme­nts».

Passés maîtres dans l’art de la manipulati­on et de l’instrument­alisation, et favorisés par les généreuses couverture­s médiatique­s, les groupes islamistes qui montent aux barricades pour dénoncer l’islamophob­ie ne

visent qu’une chose: convaincre les musulmans que leur sécurité est en danger sur la terre des mécréants. Du coup, ils s’imposent comme l’unique rempart capable d’endiguer la vague de l’islamophob­ie d’un monde qui leur est, par définition, hostile. Une généralisa­tion aberrante.

Découragés par cette stratégie abusive, beaucoup de musulmans s’emmurent dans le silence quand ils voient les élites politiques qu’ils croyaient du côté de la démocratie devenir des alliés stratégiqu­es des ennemis de la démocratie. Ils se sentent impuissant­s face à cette «normalisat­ion de l’islamisme radical» qui s’impose en «islam officiel».

Le problème de la perception négative à l’égard de l’islam et des musulmans existe depuis des siècles et ne saurait être réduit à un phénomène de peur et de phobie. Norman Daniel en a donné un portrait détaillé dans son célèbre ouvrage Islam et Occident.

Oui, il y a du racisme et de la discrimina­tion à l’égard des communauté­s musulmanes en Occident. Oui, le Québec et le Canada n’en sont pas exempts, mais nous avons des chartes des droits et des institutio­ns pérennes qui leur offrent une meilleure protection que les gesticulat­ions idéologiqu­es des groupes salafistes et leur djihad juridique autour de l’islamophob­ie.

 ??  ??
 ??  ?? L’arabie Saoudite, où il est notamment interdit aux non-musulmans de circuler à La Mecque, s’est opposée à plusieurs dispositio­ns de la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme.
L’arabie Saoudite, où il est notamment interdit aux non-musulmans de circuler à La Mecque, s’est opposée à plusieurs dispositio­ns de la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme.

Newspapers in French

Newspapers from Canada