Le Journal de Quebec

Ils l’ont adopté

-

Francis Paré venait de soulever la coupe Calder avec les Griffins de Grand Rapids quand il a choisi de tenter l’aventure européenne. Comme pour plusieurs, c’était un saut vers l’inconnu.

«Je pensais avoir fait le tour dans la Ligue américaine. J’étais un peu à la croisée des chemins dans l’organisati­on des Red Wings: trop jeune pour être un vétéran, trop vieux pour être un prospect. Je voulais voir ce que je pourrais faire en Europe», raconte-t-il quatre ans plus tard.

Après une trentaine de matchs en Finlande, Paré a signé un contrat avec le Metallurg de Magnitogor­sk. L’attaquant venait d’atteindre son but: jouer dans la KHL, la deuxième ligue de hockey au monde.

«Je savais que le calibre était fort, explique-t-il. On joue contre des joueurs comme Ilya Kovalchuk, et aussi plusieurs autres que l’on ne connaît pas au Québec et que j’ai appris à découvrir avec le temps.»

LES « IMPORTÉS »

Bien sûr, Paré a vécu un choc. Si l’adaptation à la grande glace s’est faite naturellem­ent, il a dû apprivoise­r la langue… et ses coéquipier­s ont dû l’apprivoise­r.

Les équipes russes ne peuvent avoir chacune que cinq joueurs étrangers. Dans le jargon, on les appelle les «importés». Les Nord-américains et surtout les Québécois sont donc une rareté dans ces organisati­ons.

«Je m’étais fait avertir par les autres “importés” que ça prenait environ un mois avant qu’on s’intègre, relate Paré. Ils nous étudient un peu. Certains ne parlent pas vraiment en anglais, alors ce n’est pas qu’ils ne veulent pas te parler, c’est qu’ils ne peuvent pas.»

Mais vite, les Russes ont compris que Paré était dans le vestiaire pour la même raison qu’eux: gagner la coupe Gagarine, emblème de la KHL.

La frénésie de la victoire, l’attaquant allait la vivre pour la deuxième année de suite en 2014. Le Metallurg a défait le HC Lev Prague en sept matchs, et le couronneme­nt s’est fait sur leur propre patinoire. Trois ans plus tard, Paré qualifie encore ce triomphe de «surréel». Il est à ce jour le seul Québécois à avoir bu dans la coupe Gagarine.

«Je suis un petit gars de Ville Lemoyne sur la Rive-sud, je jouais pour les Red Wings de Saint-lambert. Jamais je n’allais dans les gros tournois… Devenir profession­nel et commencer à gagner des trophées, c’était magique», sourit-il.

Après une année à Magnitogor­sk, l’attaquant a plié bagage et s’est joint au Traktor de Chelyabins­k. Il a ensuite porté les couleurs de deux formations de la KHL situées hors Russie: le Slovan de Bratislava, en Slovaquie, et le Medves

cak de Zagreb, en Croatie.

IL NE FERME PAS LA PORTE

Paré a disputé 51 rencontres avec le Medvescak cette saison. Après sa participat­ion au match des étoiles, le club a racheté son contrat. La pratique est courante parmi les équipes plus pauvres de la KHL.

À 29 ans, Paré terminera donc la saison en Suisse, avec le Genève-servette. Il rêve d’un troisième trophée dans une troisième ligue, mais il ne ferme pas la porte à un éventuel retour dans la KHL.

Non, tout n’est pas parfait dans la ligue russe. Les rumeurs ne sont pas que des rumeurs: comme plusieurs autres, l’attaquant n’a pas toujours eu sa paie à temps. Sauf que ces pépins n’entachent pas assez ses beaux souvenirs pour l’empêcher de retourner en Russie.

«Les gens là-bas ont été vraiment respectueu­x et m’ont aidé pour que je sois traité comme à la maison. Ma femme et moi, on y retournera­it n’importe quand», dit Paré.

Paré pense avoir laissé une jolie carte de visite dans les clubs pour lesquels il a joué.

«Quand j’affronte mes anciens coéquipier­s, ils ont toujours un grand sourire et ils me disent qu’ils s’ennuient de moi. Je suis content, surtout que je ne parle pas russe», se réjouit-il.

À des milliers de kilomètres de chez lui, le «petit gars de Ville Lemoyne» a trouvé une terre d’adoption.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada