Le Journal de Quebec

La poule mouillée

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

La vie politique n’est que le reflet de chaque société et de notre époque. Ni plus ni moins.

Exceptionn­ellement, il peut arriver quelqu’un qui, comme on dit, déplace les lignes, redéfinit les enjeux, transforme les choses pour le mieux.

C’est de plus en plus rare, car la politique, pour des tas de raisons, n’attire plus les meilleurs de nos sociétés.

UN JEU

Prenez ce Kevin O’leary, peu connu au Québec, ultraconnu au Canada anglais, et qui a de bonnes chances de devenir le prochain chef du parti conservate­ur.

C’est la télé-réalité qui l’a fait connaître.

Aujourd’hui, si vous êtes connu, vous avez le principal atout pour vous lancer en politique. Les idées viennent en option, comme le toit ouvrable.

Comme Trump, O’leary pense que tout s’achète maintenant, ce qui, pour l’essentiel, est tristement vrai.

Il finance sa campagne avec ses propres moyens, ce qui montre que la politique devient de plus en plus un jeu avec un ticket d’entrée que seuls certains auront les moyens de s’offrir.

Jadis, les riches se gardaient une petite gêne plutôt que d’étaler leur fortune.

Aujourd’hui, on en fait un argument de vente auprès des naïfs qui pensent que la réussite en affaires annonce la réussite en politique.

O’leary boycotte les débats en français, qu’il ne parle pas, et préfère payer les amendes imposées par la direction du parti.

Qualifié de poule mouillée par une adversaire, O’leary fait le pari que les militants du parti se foutent complèteme­nt de son unilinguis­me. Et c’est sans doute vrai.

Pourtant, il aurait été impensable jusqu’à il y a peu que le parti de Stephen Harper, de Brian Mulroney et de Joe Clark soit dirigé par un chef ne parlant pas français.

Dans le Canada d’aujourd’hui, il ne semble plus du tout essentiel, aux yeux de beaucoup, qu’un aspirant à la fonction de premier ministre parle les deux langues officielle­s.

Dans le Canada d’aujourd’hui, il ne semble plus du tout essentiel, aux yeux de beaucoup, qu’un aspirant à la fonction de premier ministre parle les deux langues officielle­s

Hors du Québec, le français ne pèse désormais pas plus lourd que les langues des principale­s communauté­s ethniques.

O’leary est pourtant né à Montréal. Peut-on concevoir un Gauthier, né à Toronto, qui ne parlerait pas anglais? Non, on ne peut pas. C’est ça le Canada réel en 2017. Soyez cependant sûrs qu’il se trouvera un imbécile pour nous ressortir les niaiseries habituelle­s sur les classes d’immersion et sur ces Canadiens qui disent maîtriser le français, mais sont incapables de mener une conversati­on de base.

Il s’en trouvera aussi pour dire que tout cela n’est que symbolisme et que l’essentiel est l’efficacité, la compétence, les «vraies affaires». Bref, un discours de chambre de commerce.

C’est aussi ça l’air du temps.

MÉCHANT CHOIX

Pensez-y… D’un côté, nous risquons d’avoir ce O’leary.

De l’autre, nous avons Justin Trudeau, qui serait parfait en animateur de télé-réalité, et qui, si on se représente la vie comme un losange de baseball, est né au troisième but.

Je vous l’ai dit plus haut: la politique n’est qu’un miroir de notre temps.

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Kevin O’leary, peu connu au Québec, ultra-connu au Canada anglais, a de bonnes chances de devenir le prochain chef du parti conservate­ur.
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