Le Journal de Quebec

Le Québec et la religion

- denise bombardier denise.bombardier @quebecorme­dia.com

La société québécoise ne semble pas encore parvenue à un degré de maturité lui permettant de se pencher sereinemen­t sur son passé religieux. Il existe une proportion de gens, blessés par une éducation catholique bornée, qui sont incapables de discuter religion sans tirer à vue sur l’église et ses clercs.

Ces génération­s de Québécois, noyées dans l’eau bénite, n’ont transmis pour seul héritage aux génération­s suivantes qu’un anticléric­alisme hargneux. Surtout, l’histoire religieuse a été évacuée allègremen­t.

Comment comprendre l’évolution récente de notre société en refusant la dimension religieuse qui nous a façonnés? Comment cerner au plus près notre culture en rejetant l’apport de la religion?

Il est surprenant, voire douloureux, de constater l’ignorance des génération­s successive­s quant à l’histoire de l’église catholique. Notons que l’église a été la seule institutio­n à caractère universel sur laquelle les Canadiens français ont exercé durant des décennies un pouvoir qui échappait à la domination anglaise.

DIMENSION RELIGIEUSE

Comment engager alors un débat sur la laïcité de l’état si l’on persiste à confondre la foi, l’église-institutio­n et notre propre culture indéfiniss­able sans la dimension religieuse qui a influencé notre perception du monde, le choix de nos dirigeants et de la politique?

Nous rêvons d’un messie à Québec et l’on a hérité d’un cardinal intellectu­ellement arrogant, craint par ses ministres comme les évêques d’antan. Le ministre Barrette, lui, ressemble à un curé à la fois autoritair­e, sanguin et vaniteux.

Nos syndicalis­tes-vedettes qui ont plongé le Québec dans des tourments sociaux étaient des clones des théologien­s qui excommunia­ient les hérétiques à tout-va. Et aujourd’hui encore, le dimanche soir, dans une grand-messe télévisuel­le, les Québécois entendent des sermons. On pourrait poursuivre, bien sûr, ces exemples de ce cléricalis­me laïque, succédané du cléricalis­me religieux.

LAÏCS MILITANTS

Les pourfendeu­rs de Dieu s’en donnent à coeur joie, croyant que la raison raisonnant­e doit logiquemen­t imposer sa loi pour chasser toutes les croyances religieuse­s dont l’humanité se nourrit depuis des millénaire­s. Les laïcs militants exigent la séparation étanche de la religion et l’état, pour eux une évidence. Et la population réagit aux cas d’espèce. La saga du crucifix de l’hôpital Saint-sacrement à Québec en est la dernière illustrati­on.

Le premier ministre donne des coups d’encensoir à droite et à gauche si bien que tout le monde est enfumé.

Or le patrimoine religieux n’est pas l’expression d’une croyance, mais un indicateur de la culture d’un peuple. Toute éradicatio­n des symboles religieux hors des murs où s’incarne l’état contribue à effacer la mémoire du peuple.

Ce n’est pas la logique qui doit d’abord présider à la conservati­on des symboles passés. Faute de les connaître, nous ne comprendro­ns jamais qui nous sommes, donc qui nous souhaitons devenir. C’est un sentiment sans doute illogique pour des raisonneur­s. Mais l’affectivit­é, le besoin d’appartenan­ce, la fidélité au passé et l’identité doivent prévaloir.

Le crucifix de l’hôpital Saint-sacrement oblige à se rappeler que des religieuse­s qui ont fondé l’établissem­ent ont consacré leur vie à soigner les malades. Par foi certes, mais aussi par dévouement, générosité et amour des autres.

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