Les effets du cannabis inquiètent
À quelques mois du projet de loi pour le légaliser, il y a encore trop peu de recherches, disent des experts
Effets mal connus, manque de preuves scientifiques, idées préconçues… à quelques mois du dépôt du projet de loi sur la légalisation du cannabis au pays, des scientifiques croient qu’il nous manque encore beaucoup d’information sur cette drogue.
«Est-ce que vous donneriez du Prozac à vos ados?» lance la Dre Gabriella Gobbi, de l’unité de psychiatrie neurobiologique du département de psychiatrie du Centre universitaire de santé Mcgill à Montréal.
À ses yeux, le cannabis ne peut être récréatif et médical à la fois. Entre une substance que l’on consomme comme de l’alcool ou un médicament «naturel» sans effets néfastes, la science n’a pas encore répondu à toutes les questions.
«Il y a les deux extrêmes en ce moment. Soit c’est très mauvais, soit c’est bon pour la santé, mais la réalité est plus compliquée», poursuit Natalie Castellanos Ryan, professeure adjointe à l’école de psychoéducation de l’université de Montréal.
« BEAUCOUP D’INCONNU »
Le Canada et plusieurs États américains se sont engagés dans la voie de la légalisation de la marijuana. Le moment est crucial, tant en ce qui concerne les politiques que la recherche, ont récemment écrit des chercheurs américains dans un article publié dans la revue scientifique National Academies of Sciences, Engineering and Medicine.
«Or, il y a encore beaucoup d’inconnu», souligne la Dre Gobbi.
Après avoir fait une analyse méticuleuse de la littérature scientifique, les chercheurs américains ont effectivement conclu qu’il y avait un manque de connaissances sur le cannabis, ce qui représentait une «importante préoccupation pour la santé publique», particulièrement en ce qui concerne les populations plus vulnérables telles que les adolescents et les femmes enceintes, peut-on lire.
LÉGALISER AVANT, ÉTUDIER ENSUITE
L’annonce de la légalisation prochaine au Canada a mis en lumière les besoins en matière de recherche, reconnaît le Dr Mark Ware, médecin spécialiste de la douleur et de la recherche sur le cannabis au centre de recherche de l’université Mcgill.
«J’ai l’impression qu’il y a, depuis, un réel intérêt pour des recherches cliniques et que la stigmatisation est moindre», ajoute le spécialiste, qui a aussi été viceprésident du groupe de travail sur la légalisation du cannabis créé par le gouvernement fédéral.
Il serait, certes, plus rassurant d’avoir un peu plus d’information avant de légaliser le cannabis. «Mais la réalité est que ces donnés sont plus difficiles à obtenir dans un contexte de prohibition», insiste le Dr Ware.