Des ados mal éclairés sur l’économie
Le retour du cours d’éducation financière est nécessaire, selon des intervenants
Des jeunes qui se font offrir une marge de crédit de 25 000 $, d’autres qui ont un mauvais dossier parce qu’ils n’ont pas payé leur forfait de cellulaire. Les besoins en éducation financière sont criants, disent des intervenants en économie familiale.
Judée Deslongchamps est bien placée pour le savoir, elle qui travaille à l’association coopérative d’économie familiale (ACEF) Lanaudière. Les besoins sont si importants que certains enseignants du secondaire la font venir dans leurs classes pour qu’elle donne des notions de base d’économie à leurs élèves.
Depuis 2009, ce cours n’est plus offert aux élèves du secondaire. Or, un nou- veau cours d’éducation financière sera implanté en 5e secondaire l’automne prochain, une décision saluée par plusieurs, dont l’union des consommateurs.
Le ministre Sébastien Proulx a publié un projet de règlement afin d’inclure le nouveau cours au cursus.
MAUVAISES CRÉANCES
«Avec le niveau d’endettement actuel de la population, c’est tout à fait pertinent [de ramener le cours]», dit Philippe Viel de l’union des consommateurs.
«Le cellulaire, c’est un classique, illustre Mme Deslongchamps. Des jeunes qui cessent de payer se disent que ce n’est pas grave et qui vont voir une autre compagnie et se prendre un autre forfait. Puis, au début de la vingtaine, ils veulent s’acheter une première voiture, mais personne ne veut les financer. [...] Il y en a qui n’ont jamais entendu parler de budget. Souvent, la prise de conscience arrive quand il est trop tard», dit-elle.
Tout ce qui concerne le fonctionnement de la carte de crédit et le calcul des taux d’intérêt est souvent mal maîtrisé, abonde Caroline Soulard, de L’ACEF de la Rive-sud de Montréal.
Et pendant ce temps, les offres pleuvent. «J’ai déjà vu des étudiants de cégep qui se font offrir une marge de crédit de 25 000 $.»
Le portrait n’est toutefois pas tout noir. La proportion de Québécois ayant une bonne connaissance des comportements à adopter et affirmant les mettre en pratique est passée de 50% en 2012 à 58% en 2016, selon un sondage de l’autorité des marchés financiers (AMF).
Il reste que les chiffres de l’agence de la consommation en matière financière du Canada montrent que les Québécois ont obtenu le résultat le plus bas (57 %) de toutes les provinces lors d’un sondage sur les connaissances financières réalisé en 2014. La moyenne du pays se situe à 60 %.
« AVEC LE NIVEAU D’ENDETTEMENT DE LA POPULATION, C’EST TOUT À FAIT PERTINENT DE RAMENER LE COURS D’ÉDUCATION FINANCIÈRE. » – Philippe Viel, Union des consommateurs
TABOU
Selon plusieurs, le manque de littératie financière serait lié à une forme de tabou. «Ce n’est pas compliqué: on parle plus de sexualité que d’argent au Québec», résume Mme Soulard.
À long terme, L’AMF désire changer la culture des Québécois par rapport à l’argent. «Mais un cours, ce n’est pas une baguette magique. Ça prendra toujours des parents qui sont là pour inculquer les notions tôt», nuance Camille Beaudoin, de L’AMF.