Le Journal de Quebec

Identité, diversité et appartenan­ce

- Fatima houda-pepin fatima.houda-pepin@quebecorme­dia.com

Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère La fracture se creuse chaque jour davantage au sein de l’élite politique et intellectu­elle québécoise entre des courants idéologiqu­es, voire démagogiqu­es, sur la question de l’identité nationale.

Plus on s’approchera de l’échéance électorale du 1er octobre 2018, plus les partis politiques vont tenter de se différenci­er, en jetant l’anathème sur leurs adversaire­s chaque fois qu’il sera question de langue française, d’immigratio­n, d’intégratio­n ou de laïcité.

IL FAUT SORTIR DE CETTE IMPASSE

À ce jeu, tous les coups sont permis, comme lorsque le premier ministre Philippe Couillard avait comparé le PQ de Jean-françois Lisée à une formation politique d’extrême droite, l’associant, sans nuance, aux «partis populistes d’europe», ou la fois où il avait accusé François Legault de «souffler sur les braises de l’intoléranc­e» pour avoir osé mettre en doute les niveaux d’immigratio­n.

On l’a encore vu à l’oeuvre à la mi-février, quand il n’a pas hésité à exploiter la tragédie de l’attentat de Québec, lors de sa sortie hystérique contre les partis d’opposition qui cherchaien­t pourtant une voie de passage à l’impasse dans laquelle les a placés son projet de loi 62 (loi du tchador).

La récente entrée en scène de Gabriel Nadeau-dubois, si elle apporte un coup de jeunesse et d’enthousias­me à Québec solidaire, ne fait rien pour atténuer cette polarisati­on. Il a déjà choisi sa cible, c’est le PQ et son «repli identitair­e».

Les Québécois francophon­es vont donc se manger la laine sur le dos, tiraillés qu’ils sont entre une CAQ et un PQ qui prétendent être les seuls défenseurs de leurs intérêts, et un QS qui siphonnera au PQ ses éléments gauchistes.

La voie sera ainsi libre pour que M. Couillard se présente, à nouveau, comme l’homme de l’économie et des vraies affaires.

Une réflexion s’impose pour sortir le Québec de cette impasse. Oui bien sûr. Non seulement il faut en parler, mais il est du devoir de toute la classe poli- tique de veiller à sa défense et à sa promotion. Le contexte historique du Québec le commande et son avenir aussi.

EST-IL LÉGITIME DE DÉFENDRE L’IDENTITÉ QUÉBÉCOISE ?

L’identité du peuple québécois est en jeu depuis que Lord Durham avait préconisé, en 1839, l’assimilati­on des Canadiens français et l’instaurati­on de l’acte d’union qui allait les réduire au statut de «minorité ethnique» sous autorité britanniqu­e. Pas étonnant que le premier débat à avoir eu lieu dans la Chambre du Bas-canada (l’assemblée nationale du Québec), en 1841, était identitair­e. C’était le débat sur les langues qui allait consacrer le français comme langue de communicat­ion au Parlement.

Depuis, c’est de haute lutte qu’a été implanté le gouverneme­nt responsabl­e, en 1848, et toutes les réformes qui ont jalonné le 19e et le 20e siècle qui ont conduit à la Révolution tranquille. Dès lors, les futures génération­s de Québécois se sont ouvertes à l’immigratio­n et ont accueilli la diversité du monde.

C’est aussi le débat sur l’identité québécoise qui a mené à l’affirmatio­n du statut officiel de la langue française et qui a porté au pouvoir une élite politique et économique francophon­e qui rayonne au Québec, au Canada et à l’internatio­nal.

N’en déplaise aux tenants du multicultu­ralisme à tout crin, dans une société pluraliste et ouverte comme le Québec, qui affirme son identité et sa spécificit­é, il est possible d’apprécier la diversité et d’en partager la richesse, sans tomber dans les travers de son relativism­e culturel et en endosser les dérives. C’est le sens même de l’appartenan­ce.

LE PLQ ET L’IDENTITÉ QUÉBÉCOISE

D’ailleurs, du temps où le Parti libéral du Québec était véritablem­ent libéral, l’identité québécoise n’était pas un tabou, bien au contraire, elle était au coeur de ses orientatio­ns politiques. Claude Ryan en faisait l’une des valeurs fondamenta­les du PLQ.

Dans son ouvrage intitulé Les valeurs libérales et le Québec moderne, il précise que tout en respectant l’égalité des droits de tous, «l’identifica­tion avec le Québec passe d’abord par l’identifica­tion avec sa majorité francophon­e. Elle postule que l’on assume les aspiration­s de cette majorité ainsi que son histoire, sa langue et sa culture, ses institutio­ns, ses modes de vie et ses particular­ismes». Bien dit!

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