Le Journal de Quebec

Cannabis& pertes de mémoire

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De nombreuses études ont montré que la consommati­on élevée de cannabis peut entraîner des pertes de mémoire à court et à long terme. Des travaux récents permettent de penser que cet effet serait dû à une perturbati­on des mitochondr­ies présentes au niveau de l’hippocampe du cerveau.

Les effets psychoacti­fs du cannabis sont dus au delta-9-tetrahydro­cannabinol (THC), le principal cannabinoï­de présent dans cette plante. Cette molécule possède une structure similaire aux cannabinoï­des produits naturellem­ent dans le corps (l’anandamide, par exemple) et peut donc interagir avec leurs récepteurs qui sont présents dans plusieurs régions du cerveau. Puisque ces cannabinoï­des naturels sont des neurotrans­metteurs impliqués dans plusieurs processus mentaux (émotions, perception sensoriell­e, mémoire), le THC peut altérer artificiel­lement ces processus et modifier le fonctionne­ment normal du cerveau.

Certains de ces effets sont considérés comme positifs (améliorati­on de l’humeur, relaxation, augmentati­on de l’appétit), tandis que d’autres sont négatifs (difficulté­s de concentrat­ion, mauvaise coordinati­on et perte de motivation, entre autres).

PERTES DE MÉMOIRE

Les problèmes de mémoire sont un autre effet secondaire indésirabl­e fréquemmen­t observé chez les consommate­urs réguliers de cannabis, car le THC agit directemen­t au niveau de l’hippocampe, une région du cerveau indispensa­ble à la mémoire.

Selon des travaux réalisés par une équipe de scientifiq­ues français, cet impact négatif du THC serait dû à son interactio­n avec un récepteur localisé dans les mitochondr­ies, les centrales énergétiqu­es des cellules1. Ils ont découvert que cette interactio­n déclenchai­t une cascade d’événements qui vont ultimement réduire l’activité de la chaîne respiratoi­re localisée dans la mitochondr­ie et du même coup l’énergie produite dans la cellule.

Cette perte d’énergie abaisse les performanc­es des neurones, ce qui expliquera­it le mauvais fonctionne­ment de la mémoire associé à la consommati­on de cannabis.

C’est la première fois que l’on montre clairement que les mitochondr­ies jouent un rôle important dans des fonctions cognitives avancées comme l’apprentiss­age et la mémoire. Ce qui n’est d’ailleurs pas si étonnant quand on y pense: même si le cerveau ne représente que 2 % du poids corporel, il consomme à lui seul jusqu’à 25 % de l’énergie dépensée par le corps. Puisque les mitochondr­ies sont responsabl­es de cette production d’énergie (sous forme D’ATP), il va de soi que ces «centrales énergétiqu­es» jouent un rôle extrêmemen­t important dans le fonctionne­ment du cerveau. Il est d’ailleurs intéressan­t de noter que les personnes atteintes de maladies causées par un dysfonctio­nnement des mitochondr­ies présentent de graves atteintes neurologiq­ues.

ABUS DANGEREUX

Au cours des dernières années, notre société est devenue de plus en plus tolérante face au cannabis. L’usage récréatif de la drogue est décriminal­isé depuis plusieurs décennies et on parle même de plus en plus d’en légaliser la vente.

Ce changement d’attitude est normal, car le cannabis est sur le marché depuis plus de 50 ans et on sait maintenant que sa consommati­on occasionne­lle ne provoque pas d’effets négatifs majeurs sur la santé. Mais comme l’illustrent bien les résultats de l’étude publiée dans Nature, l’abus de cannabis entraîne des déséquilib­res majeurs dans le fonctionne­ment des neurones et peut donc causer plusieurs troubles mentaux, notamment au niveau du processus de mémoire.

Comme pour l’alcool, la frontière entre les effets positifs et négatifs du cannabis est très mince et il faut faire preuve de modération. Ce n’est pas parce qu’une substance est légale qu’elle est sans danger.

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