Le Journal de Quebec

Des ÉCOLES S’INQUIÈTENT DU FLEAU Des sextos

pages 4 et 5

- Daphnée Dion-viens l daphneedv

Le partage de sextos entre jeunes est devenu un véritable fléau dans des écoles du Québec, selon de nombreux intervenan­ts interrogés par Le Journal. Des échanges de photos nues se déroulent maintenant via la nouvelle applicatio­n Yellow, l’équivalent de Tinder, mais pour les 13 à 18 ans et qui sème l’inquiétude ailleurs sur la planète.

Yellow permet de faire des «matchs» entre deux personnes, à l’image de Tinder, la populaire applicatio­n pour adultes réputée pour mener à des liaisons basées sur le sexe.

Sur l’applicatio­n Yellow, les demandes et échanges de photos nues abondent, racontent des adolescent­s de 13 et 14 ans, rencontrés dans une école secondaire de Québec.

« PLUS FACILE POUR LES PÉDOPHILES »

«Au début, on trouve ça cool, Yellow, on se dit qu’on va rencontrer du nouveau monde. Mais après, on se fait juste demander des photos nues et on se dit que c’est con. Je trouve que c’est encore plus facile pour les pédophiles de passer par Yellow que par Facebook ou d’autres applicatio­ns», lance l’un d’entre eux.

Une adolescent­e de 13 ans qui a en- voyé des photos d’elle nues à «plusieurs garçons» se sent maintenant «prisonnièr­e» de son geste puisqu’elle ne sait pas ce qu’ils feront de ses photos, dont certaines ont été sauvegardé­es par une capture d’écran (voir autre texte).

LE NOMBRE DE CAS EXPLOSE

Les échanges d’images à connotatio­n sexuelle entre jeunes étaient déjà fréquents avant l’arrivée de Yellow.

«C’est terrible, c’est quelque chose qui est en explosion. On gère des cas au moins deux fois par mois», lance Nathalie Ringuette, une enseignant­e du secondaire diplômée en sexologie.

Sylvain Carrier, qui anime des ateliers dans les écoles secondaire­s avec l’organisme Entraide Jeunesse Québec, est tout à fait d’accord.

«Les sextos, c’est épidémique», lance-t-il.

Selon une recension scientifiq­ue réalisée sur le sujet en 2015 par la sexologue Laurie Fradette de L’UQAM, entre 1 % et 28 % des jeunes auraient déjà envoyé un sexto. Au Centre canadien de protection de l’enfance, le nombre de signalemen­ts concernant le «sexting», appelé «autoexploi­tation juvénile», a quintuplé en quatre ans, passant de 26 à 122 cas, a appris Le Journal.

Mais ces données ne sont que la pointe de l’iceberg, explique le porte-parole de l’organisme, René Morin, puisque les ados dénoncent seulement lorsqu’ils n’ont plus aucun recours. «On a vu des adolescent­s qui se sont enlevé la vie à cause de ça», affirme-t-il.

UNE « CYBERAGRES­SION SEXUELLE »

Le cas classique est celui de la jeune adolescent­e qui accepte de partager des images avec son copain. Lorsqu’il y a rupture, le garçon publie les photos sur les réseaux sociaux ou les partage avec d’autres amis, parfois par vengeance, raconte Cathy Tétreault, directrice du Centre Cyber-aide. Ces situations sont «presque toujours» suivies d’une campagne de cyberintim­idation, «où la jeune fille se fait traiter de salope par tout le monde», ajoute René Morin. Le partage d’images à caractère sexuel sans le consenteme­nt de la personne est une «cyberagres­sion sexuelle», souligne Cathy Tétreault. Les conséquenc­es pour la victime, qui se sent violée dans son intimité, sont les mêmes que pour une agression sexuelle, précise-t-elle.

Valérie Brancquart, intervenan­te dans un centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), est tout à fait d’accord. «Ce sont de nouvelles réalités qui font que le visage des agressions à caractère sexuel change. Et les autres formes restent là, malheureus­ement. Ça fait juste s’additionne­r.»

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Après avoir envoyé des photos nues sur Yellow, des ados ont confié au Journal se sentir prisonnier­s de l’applicatio­n et craindre la suite des choses. Tous les jeunes rencontrés dans le cadre de ce reportage ont souhaité s’exprimer sous le couvert de...

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