Le vrai clivage
Depuis 50 ans, nous sommes habitués à dire que le clivage politique essentiel au Québec divise les souverainistes et les fédéralistes.
C’est normal: la question de l’indépendance travaillait notre société en profondeur.
Les péquistes étaient globalement au centre gauche, mais ils accueillaient tous les souverainistes dans une grande coalition allant de Louise Harel à Lucien Bouchard.
Les libéraux étaient globalement au centre droit, mais ils accueillaient aussi des fédéralistes de gauche votant pour le NPD à Ottawa.
INDÉPENDANCE
Les tiers partis, qui voulaient se délivrer de «l’obsession référendaire», étaient cantonnés dans les marges.
C’est probablement parce que ce clivage domine encore nos esprits qu’on parle autant, ces temps-ci, d’une possible convergence entre le Parti québécois et Québec solidaire.
Le premier parti est souverainiste, le deuxième dit l’être, ne sont-ils pas faits pour s’entendre?
C’est oublier que, pour le PQ, l’indépendance est un bien en soi, alors que pour QS, elle n’est désirable qu’à condition de porter un projet associé à la gauche radicale.
C’est oublier aussi que si le PQ voit QS comme un parti de frères éloignés, QS voit le PQ comme son ennemi principal et rêve de l’abattre pour prendre sa place.
Le PQ voit la convergence comme une béquille pour l’amener au pouvoir. QS y voit un frein à sa croissance.
Mais il y a autre chose.
Depuis quelques années, le clivage souverainiste-fédéraliste s’est affaibli.
Sauf un petit bloc de francophones et l’immense majorité des anglophones et des communautés culturelles pour qui le refus de la souveraineté demeure une passion ardente, les électeurs ne se présentent plus aux urnes en ayant en tête la question nationale.
Ils ne vivent plus dans l’attente ou la crainte d’un prochain référendum.
De nouveaux clivages émergent.
On pense bien sûr au clivage entre la gauche et la droite, même s’il demeure assez rudimentaire au Québec. Ailleurs dans le monde, il a une dimension morale, culturelle, philosophique.
Ici, il se limite à une question simple: avez-vous l’impression de payer trop de taxes, oui ou non?
On doit parler d’un autre clivage: celui portant sur la question identitaire. Il passionne bien davantage que le débat sur l’indépendance.
Êtes-vous pour ou contre la charte des valeurs?
Pour ou contre une baisse significative de l’immigration?
Pour ou contre les accommodements raisonnables?
Pour ou contre le multiculturalisme?
Pour ou contre le cours Éthique et culture religieuse?
Pour ou contre un renforcement des lois linguistiques?
C’est à travers la question identitaire que notre société se demande quel avenir elle se souhaite. Mais politiquement, elle se traduit difficilement.
CONVERGENCE PQ-CAQ?
C’est à travers la question identitaire que notre société se demande quel avenir elle se souhaite.
Mais politiquement, elle se traduit difficilement.
Quoi qu’on en dise, le PQ est bien plus proche de la CAQ que de QS sur cette question. QS, en la matière, se rapproche du Parti libéral.
Tant qu’à converger, les péquistes et les caquistes auraient probablement des choses à se dire. Les nationalistes francophones pourraient se rassembler.
Puisque l’indépendance n’est pas à la veille de se faire, ils pourraient se donner un programme de gouvernement national commun. Mais cela n’arrivera pas. Et les libéraux seront réélus. Encore.