Le Journal de Quebec

Le vrai clivage

- Mathieu Bock-côté mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Depuis 50 ans, nous sommes habitués à dire que le clivage politique essentiel au Québec divise les souveraini­stes et les fédéralist­es.

C’est normal: la question de l’indépendan­ce travaillai­t notre société en profondeur.

Les péquistes étaient globalemen­t au centre gauche, mais ils accueillai­ent tous les souveraini­stes dans une grande coalition allant de Louise Harel à Lucien Bouchard.

Les libéraux étaient globalemen­t au centre droit, mais ils accueillai­ent aussi des fédéralist­es de gauche votant pour le NPD à Ottawa.

INDÉPENDAN­CE

Les tiers partis, qui voulaient se délivrer de «l’obsession référendai­re», étaient cantonnés dans les marges.

C’est probableme­nt parce que ce clivage domine encore nos esprits qu’on parle autant, ces temps-ci, d’une possible convergenc­e entre le Parti québécois et Québec solidaire.

Le premier parti est souveraini­ste, le deuxième dit l’être, ne sont-ils pas faits pour s’entendre?

C’est oublier que, pour le PQ, l’indépendan­ce est un bien en soi, alors que pour QS, elle n’est désirable qu’à condition de porter un projet associé à la gauche radicale.

C’est oublier aussi que si le PQ voit QS comme un parti de frères éloignés, QS voit le PQ comme son ennemi principal et rêve de l’abattre pour prendre sa place.

Le PQ voit la convergenc­e comme une béquille pour l’amener au pouvoir. QS y voit un frein à sa croissance.

Mais il y a autre chose.

Depuis quelques années, le clivage souveraini­ste-fédéralist­e s’est affaibli.

Sauf un petit bloc de francophon­es et l’immense majorité des anglophone­s et des communauté­s culturelle­s pour qui le refus de la souveraine­té demeure une passion ardente, les électeurs ne se présentent plus aux urnes en ayant en tête la question nationale.

Ils ne vivent plus dans l’attente ou la crainte d’un prochain référendum.

De nouveaux clivages émergent.

On pense bien sûr au clivage entre la gauche et la droite, même s’il demeure assez rudimentai­re au Québec. Ailleurs dans le monde, il a une dimension morale, culturelle, philosophi­que.

Ici, il se limite à une question simple: avez-vous l’impression de payer trop de taxes, oui ou non?

On doit parler d’un autre clivage: celui portant sur la question identitair­e. Il passionne bien davantage que le débat sur l’indépendan­ce.

Êtes-vous pour ou contre la charte des valeurs?

Pour ou contre une baisse significat­ive de l’immigratio­n?

Pour ou contre les accommodem­ents raisonnabl­es?

Pour ou contre le multicultu­ralisme?

Pour ou contre le cours Éthique et culture religieuse?

Pour ou contre un renforceme­nt des lois linguistiq­ues?

C’est à travers la question identitair­e que notre société se demande quel avenir elle se souhaite. Mais politiquem­ent, elle se traduit difficilem­ent.

CONVERGENC­E PQ-CAQ?

C’est à travers la question identitair­e que notre société se demande quel avenir elle se souhaite.

Mais politiquem­ent, elle se traduit difficilem­ent.

Quoi qu’on en dise, le PQ est bien plus proche de la CAQ que de QS sur cette question. QS, en la matière, se rapproche du Parti libéral.

Tant qu’à converger, les péquistes et les caquistes auraient probableme­nt des choses à se dire. Les nationalis­tes francophon­es pourraient se rassembler.

Puisque l’indépendan­ce n’est pas à la veille de se faire, ils pourraient se donner un programme de gouverneme­nt national commun. Mais cela n’arrivera pas. Et les libéraux seront réélus. Encore.

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