Le Journal de Quebec

Défendre l’indéfendab­le

C’est le job le plus ingrat et le plus abrutissan­t à Washington ces temps-ci : secrétaire de presse du président des États-Unis.

- Richard Latendress­e richard.latendress­e@quebecorme­dia.com

Plusieurs fois par semaine, Sean Spicer est tourné en ridicule par les médias américains à cause de réponses farfelues qu’il donne à leurs questions. Faire un fou de soi, c’est désormais dans la définition de tâche.

Personne ne doute que ce soit le pire rôle à jouer et personne ne la veut, la place de Spicer. Kellyanne Conway, proche conseillèr­e du président à qui il avait offert le poste au tout début de l’administra­tion, a récemment répondu à un journalist­e du New York Magazine qui lui demandait si elle était intéressée : «Ouvrez-moi les veines, saignez-moi, remplissez mes chaussures de ciment et faites-moi sauter d’un pont et là, je prendrai l’emploi. Êtes-vous fou?»

Sean Spicer n’est pourtant pas un total néophyte : avant de se retrouver à la Maison-blanche, il était directeur des communicat­ions au parti républicai­n. Et d’ailleurs, quand son nom a été évoqué pour devenir porte-parole du président, plusieurs ont poussé un soupir de soulagemen­t : quelqu’un de raisonnabl­e allait parcourir les corridors de la West Wing.

TOUTE LA VÉRITÉ, RIEN QUE LA VÉRITÉ

Je ne connaissai­s pas Spicer avant de le voir s’installer au lutrin de la salle de presse, mais au cours des quelque soixante derniers jours, il s’est montré, la plupart du temps, irrationne­l et fautif. Dès le premier jour, il a juré par tous les saints que la foule à l’investitur­e du président Trump était la plus grande de l’histoire. Une affirmatio­n démentie de toutes parts.

Ces derniers jours, il a défendu corps et âme les accusation­s, lancées par Donald Trump sur Twitter, d’avoir été espionné par Barack Obama. Spicer est allé jusqu’à mêler les services de renseignem­ent britanniqu­es à cette affaire extravagan­te, elle aussi réfutée par tout ce qui existe d’autorités en matière d’espionnage, républicai­ns comme démocrates, Américains comme Britanniqu­es.

Moment de compassion : sûrement pas facile pour lui, au lendemain de nouvelles tentatives pour justifier les allégation­s du président, de lire que le Washington Post avait résumé son point de presse avec le titre : «La réponse de Sean Spicer sur les écoutes téléphoniq­ues était complèteme­nt absurde.»

PUBLIC D’UNE PERSONNE

La réalité, c’est que lorsque Spicer se présente devant nous et que ses briefings sont diffusés à travers le pays, il s’adresse à un public bien précis, un public fait d’une seule personne : Donald Trump.

C’est Trump qui l’envoie, comme un chien enragé, dénoncer les reporters qui mettent en doute ses prétention­s sur la foule qui assistait à son assermenta­tion. C’est Trump qui le force à multiplier les incohérenc­es pour tenter d’expliquer les accusation­s de mise sur écoute par Obama. Et c’est Trump qui lui fait proférer, depuis le début de la semaine, des «faits alternatif­s» sur des membres importants de son équipe de campagne possibleme­nt liés à la Russie, aujourd’hui décrits comme ayant joué des rôles «négligeabl­es».

Cela dit, je vous le répète, les Américains sont déchirés entre deux mondes : il y a ceux qui sont consternés par ce qu’ils entendent de Spicer et ceux qui, comme à Nashville la semaine dernière lors d’un rassemblem­ent politique de Trump, se sont précipités sur lui pour le féliciter de «mettre les journalist­es à leur place» et l’intégrer à leur selfies. Ceux-là, c’est clair, vont tout pardonner au président et à son porte-parole.

Faire un fou de soi, c’est désormais dans la définition de tâche.

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Plusieurs fois par semaine, Sean Spicer est tourné au ridicule par les médias en raison des réponses farfelues qu’il donne à leurs questions.
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