Un roman qui risque de faire fureur
Hitler s’est-il réellement suicidé par balle le 30 avril 1945? C’est la question à laquelle l’écrivain italien Luigi Guarnieri tente de répondre dans Le sosie d’adolf Hitler, son sixième roman.
Le 13 février dernier, un sosie d’hitler a été appréhendé à Braunau-am-inn, ville du nord de l’autriche où, en 1889, le Führer a poussé ses tout premiers cris. Et même si ce fait divers n’a strictement rien à voir avec Le sosie d’adolf Hitler, il démontre clairement une chose: avec sa petite moustache noire, son air sévère et ses cheveux gras plaqués sur le crâne, la plus célèbre figure du nazisme peut facilement être imitée avec un réalisme confondant.
À l’instar d’éric-emmanuel Schmitt, qui a imaginé dans La part de l’autre ce qui serait arrivé si Hitler avait été accepté à l’école des beaux-arts de Vienne, de Michel Folco, qui s’est penché de façon assez farfelue sur l’enfance du dictateur dans La Jeunesse mélancolique et très désabusée d’adolf Hitler, ou de Timur Vermes, qui a eu la fantasque idée de raconter la résurrection du chef du IIIE Reich à Berlin en 2011 dans Il est de retour, l’italien Luigi Guarnieri a ainsi lui aussi eu envie de réécrire à sa manière la vie d’adolf Hitler.
Ou, pour être plus exact, les derniers jours de sa vie. Car à cause de la débâ- cle qui a précédé et suivi le 30 avril 1945, date officielle du suicide d’hitler, l’identification de son corps n’a pu être menée dans les règles de l’art. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi toutes sortes d’étranges rumeurs n’ont pas tardé à circuler…
Les dents de La mort
«Quand le corps d’hitler a été brûlé dans le jardin de la Chancellerie près de celui d’eva Braun, il n’en est rien resté à part ses dents, explique Luigi Guarnieri, qui a accepté de répondre à nos questions par courriel.
Ce qui tombait plutôt bien, les dents étant habituellement les seuls restes humains permettant d’identifier un homme carbonisé.»
À ce stade, on se doit de préciser qu’en 1945, Hitler n’en avait plus que trois, ses crises de colère et le problème très sévère de bruxomanie qui en découlait ayant eu raison des 29 autres.
Derrière les rares sourires du dictateur se cachait donc une prothèse dentaire aussi massive que complexe – elle comportait notamment trois bridges en or –, et c’est cette prothèse qui, lors de l’autopsie, a permis aux Russes d’affirmer qu’hitler avait de toute évidence passé l’arme à gauche. «Mais les prothèses pouvant aisément être co- piées et reproduites, je me suis demandé s’il n’en avait pas été de même pour celle d’hitler, poursuit Luigi Guarnieri. Parce que si tel était le cas, les circonstances entourant la mort d’hitler pourraient être aussi fausses que l’essentiel de sa dentition.»
Mêlant habilement fiction et faits historiques, l’écrivain italien s’est ensuite donné carte blanche pour décrire un très noir scénario: parfaitement conscient depuis 1942 que la santé physique et mentale de leur chef déclinait à vue d’oeil – de nombreux rapports ont en effet révélé qu’hitler était accro à la méthamphétamine et aux sédatifs –, le RSHA aurait lancé l’opération Janus, un programme ultrasecret de sélection et d’entraînement de sosies capables de remplacer le Führer au pied levé, peu importe l’endroit ou la situation.
«Tout ce qui concerne Hitler provient de sources sérieuses, mais j’ai volontairement mélangé mensonges et vérités de façon à ce qu’il soit impossible de dire ce qui est vrai ou ce qui est faux», précise l’auteur.
Le sosie B
Grâce à cette ruse ingénieuse, on ne pourra s’empêcher de suivre avec intérêt l’enquête du lieutenant Gren*****, un agent spécial du ser- vice de contre-espionnage de l’armée américaine chargé dès mai 1945 de prouver qu’hitler s’est bel et bien suicidé dans le bunker de la Chancellerie… ce dont même Staline commence fortement à douter!
À force de creuser, l’agent Gren***** entendra ainsi parler d’egon Sommer, brillant officier nazi expert en fabrication de fausses pistes qui, à la demande de Reinhard Heydrich, a notamment rédigé par le passé un volumineux rapport portant sur tous les aspects de la triste existence du Führer – le chapitre consacré à son orientation sexuelle détaille d’ailleurs tour à tour l’accident de jeunesse qui lui a coûté un testicule, ses problèmes d’impuissance et ses penchants homosexuels...
Du coup, personne n’était mieux placé que lui pour diriger le programme Janus et préparer efficacement les doublures recrutées pour se glisser dans la peau d’hitler.
Mario Schatten, officieusement mieux connu sous le nom de «sosie B», a de ce fait connu l’enfer.
Et en découvrant pourquoi ce pauvre musicien antinazi n’a pu continuer à mordre dans la vie avec les trois seules dents qu’on ne lui avait pas arrachées, l’agent Gren***** passera le restant de ses jours à démontrer comment Hitler a pu survivre à son propre suicide.
Le sosie d’adolf Hitler Luigi Guarnieri, aux Éditions Actes Sud, 352 pages