« If you can’t beat them, join them! »
«Si vous ne pouvez les vaincre, joignez-vous à eux!» Les Anglais ont inventé ce proverbe et ils perdent rarement une occasion de le mettre en pratique. C’est exactement ce que font depuis un an ou deux les producteurs de télé canadiens-anglais qui ne veulent pas voir le tapis leur glisser sous les pieds. Pendant ce temps, sauf le respect qu’on leur doit, nos producteurs semblent dormir au gaz.
L’amour inconditionnel que nous avons pour notre télévision pourrait bien devenir l’une des causes de son agonie. En effet, pourquoi s’inquiéter quand on rejoint plus de deux millions de téléspectateurs avec La Voix et Le banquier ou un million avec Tout le monde en parle et En direct de l’univers, des émissions qui tournent en rond et présentent les mêmes têtes pour la énième fois? Des cotes d’écoute aussi faramineuses n’incitent pas à tout remettre en question.
La télé que l’on fait chez les Anglos n’est pas moins bonne que la nôtre, mais la concurrence est féroce. C’est rarissime qu’une dramatique canadienne se classe parmi les 30 émissions les plus regardées. Dimanche soir dernier, par exemple, Anne, la nouvelle série de CBC et Netflix a été un très bon succès d’écoute. 815 000 téléspectateurs! L’équivalent de La Facture à Radio-canada.
Au Canada anglais, The Voice réunit en moyenne 1 650 000 téléspectateurs. Même si l’auditoire francophone est quatre fois moindre, La Voix rejoint 2 250 000 personnes à TVA. Même forte de statistiques aussi ronflantes, notre télévision ne peut plus dormir tranquille.
L’EXEMPLE DE LA MUSIQUE
Il n’y a pas si longtemps, les statistiques étaient aussi une douce musique aux oreilles de nos musiciens et chanteurs. Leur monde, qui semblait si solide, s’est soudain écroulé. Depuis la faillite de HMV et celle plus récente de DEP, c’est la panique. Ce n’est pas d’hier, pourtant, que Spotify, Deezer, Amazone, Google, itunes et compagnie sapent le marché. Comme sont en train de le faire à la télé Netflix, Amazon, Google et les autres.
Ces géants ont déjà fait tant de ravages au Canada anglais que producteurs et diffuseurs anglophones ont décidé de les rejoindre plutôt que les combattre. En moins de deux ans, s’alliant avec Netflix, ils ont mis en chantier quatre grandes séries: Between, une série de science-fiction qui amorce sa 2e saison; Alias Grace, une minisérie scénarisée par l’actrice et réalisatrice torontoise Sarah Polley d’après le roman de Margaret Atwood; Frontier, qui traite du commerce des fourrures à la fin du 18e siècle et Anne, qu’on devrait renouveler pour une 2e saison. Sans compter De Grassi, la série pour les jeunes à laquelle on avait mis fin après 385 épisodes et qui est ressuscitée grâce à Netflix et Family Channel.
UN DÉFI DE TAILLE
Il faudra plus que la résistance courageuse de tou.tv et du Club Illico pour contenir les géants comme Netflix, même si pour l’instant, ils n’ont pas grand-chose à offrir à leur auditoire francophone. Ne peut-on justement profiter du peu qu’ils ont à présenter pour se joindre à eux et mettre en chantier quelques grandes séries qui pourraient trouver un auditoire dans 190 pays?
N’est-ce pas là un défi taillé sur mesures pour des producteurs aussi opiniâtres que Jocelyn Deschênes, Fabienne Larouche et quelques autres?
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
La semaine dernière, si le gouvernement avait réagi aussi vite qu’il l’a fait après l’article du magazine Macleans, les naufragés de l’autoroute 13 auraient passé la nuit bien au chaud.