Le Journal de Quebec

Potter : mea culpa

- denise bombardier denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Andrew Potter, professeur à l’université Mcgill de réputation prestigieu­se, a dû quitter son poste de directeur de l’institut d’études canadienne­s. Monsieur Potter a été dans une autre vie un journalist­e encensé, ce qui expliquera­it peutêtre sa réputation d’avoir la plus grosse tête du milieu journalist­ique canadien. En d’autres termes, Andrew Potter, docteur en philosophi­e, fait la démonstrat­ion que l’on peut être lettré et con.

Au cours des années, nombre d’anglophone­s ont tenté de psychanaly­ser le Québec. À commencer par lord Durham, qui souhaitait améliorer notre sort en proposant de nous assimiler au grand peuple britanniqu­e.

J’ai toujours des réticences à monter aux barricades chaque fois qu’un observateu­r étranger porte des jugements à l’emporte-pièce sur les Québécois. Sans doute parce que je considère que la bêtise est le fait d’ignorants ou d’anglos méprisants. Et que la liberté d’expression est à ce prix.

Écrire suppose qu’on se relit afin de pouvoir modifier sa pensée.

MÉPRIS

Or Andrew Potter, bardé de ses diplômes qu’il n’est pas peu fier d’afficher publiqueme­nt devant ses confrères journalist­es moins bardés que lui, n’a aucune excuse. Il nous méprise plus ou moins inconsciem­ment. Il regrette d’avoir écrit que nous sommes en quelque sorte tarés collective­ment. Il déplore son mauvais usage d’anecdotes et se repent d’avoir utilisé un ton qui semblait une critique profonde de toute la province.

Or l’écriture se contrôle mieux que la parole prononcée. Écrire suppose qu’on se relit afin de pouvoir modifier sa pensée. Je ne crois pas Andrew Potter lorsqu’il déclare n’avoir pas eu l’intention d’insulter les Québécois. Malgré ses affirmatio­ns, le texte qu’il a pondu représente sa perception des Québécois. Il avoue même avoir «le coeur brisé que la situation ait évolué de cette façon».

Je n’en crois rien. À moins qu’il ait été sous l’effet de l’alcool ou de substances diverses – je ne préjuge en rien de ses habitudes –, il m’apparaît impossible qu’il n’ait pas laissé parler ses tripes, pour ne pas dire son coeur, aujourd’hui brisé.

TROUBLE-FÊTES

La façon de s’exprimer n’est jamais innocente. Les peuples, tous les peuples se nourrissen­t de préjugés et subissent ceux des autres à leur endroit. Les Québécois, qui ont longtemps joué les trouble-fêtes du Canada, provoquent des réactions d’urticaire parmi leurs compatriot­es anglophone­s. Aux yeux de plusieurs, nous ne sommes ni fiables ni sérieux. Nous sommes apparemmen­t trop turbulents et peu doués pour la vraie réussite, à quelques exceptions près. Ces vieux préjugés persistent malgré la réalité. Et les perception­s prennent le pas sur la raison. Imagine-t-on un universita­ire québécois francophon­e publiant un texte semblable sur les Canadiens? On entend déjà leurs cris le traitant de fasciste et de xénophobe.

Certes, les Québécois ne sont pas à l’abri des préjugés contre les «maudits Anglais», figés qu’ils sont dans le temps ancien où on les traitait de « pea soups ». Or de nos jours, nous ne pouvons plus blâmer les autres pour nos incapacité­s et nos faiblesses.

Andrew Potter, comme nombre de ses compatriot­es, n’a pas une haute estime de nous. Mais quels sont les moyens de nous faire respecter au Canada alors que nous nous déchirons lamentable­ment entre nous?

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Andrew Potter
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