1991 Mourir dans la dignité
En novembre 1991, une jeune femme de la région de Québec atteinte de la maladie de Guillain-barré s’adresse à la Cour supérieure pour qu’on la débranche d’une machine qui l’aide à respirer et à la maintenir en vie contre sa volonté.
Nancy B., paralysée de la tête aux pieds depuis plus de deux ans, est parfaitement consciente et en possession de toutes ses facultés mentales. Lors d’une commission rogatoire à l’hôtel-dieu de Québec où elle est aux soins intensifs, elle déclare au juge Jacques Dufour qui s’était rendu à son chevet pour entendre son témoignage : « Je ne veux plus vivre sur une machine. La seule affaire que j’ai, c’est la télévision… C’est assez. » De nombreux avocats et journalistes venus des quatre coins du pays assistèrent à cette cause peu ordinaire. « C’est comme si on l’aidait à se suicider », analysaient les juristes intéressés par cette affaire qui soulevait des problèmes tant moraux que judiciaires, étant donné notre système social et notre code criminel.
DÉBATS DE SOCIÉTÉ
Mme Danièle Marceau, médecin traitant de Nancy B., avait longuement expliqué au juge et aux médias les raisons pour lesquelles sa patiente avait demandé à être débranchée de l’appareil respiratoire qui la maintenait en vie. À cette même époque, soit autour de 1993, deux autres cas d’euthanasie ou de suicide assisté faisaient les manchettes. D’abord l’affaire Robert Latimer, un fermier de la Saskatchewan qui mit fin aux souffrances sa fillette de douze ans lourdement handicapée et fut accusé de meurtre par compassion. Après avoir épuisé tous ses recours juridiques et avoir vu la Cour Suprême maintenir sa condamnation à la prison à perpétuité, il devait recouvrer sa liberté en 2010. Toujours en 1993, atteinte d’une sclérose latérale amyotrophique et désireuse de mourir dignement, Sue Rodriguez, 42 ans, de Colombie-Britannique, voyait sa demande de suicide assisté rejetée par la Cour Suprême. Elle devait néanmoins passer à l’acte l’année suivante, avec l’aide d’un médecin.
LE JUGE ACCEPTE
Le Journal a toujours suivi de près les débats de société qui ont jalonné notre histoire. Cette volonté de mourir dans la dignité a été suivie de près par nos lecteurs au début des années 1990 et dans notre passé plus récent ( lire autre texte). Le juge Jacques Dufour acquiesça finalement à la requête de Nancy B. Après avoir passé les Fêtes avec ses proches, « parce qu’elle ne voulait pas les laisser avec de mauvais souvenirs en cette période », avait confié son médecin Danièle Marceau, la jeune femme demanda à être débranchée. Elle mourut le 13 février 1992.