Le Journal de Quebec

Une prof de Zumba motivait sesélèves avec son cancer

femme qui a lutté pendant 2 ans contre un cancer du sein voit du positif dans la maladie Cdavid.

- David Prince l Dprincejdm

ROUYN-NORANDA | Alors qu’elle était au chevet de son père en phase terminale d’un cancer de la prostate, Sophie Leblanc a senti une bosse sur son sein gauche. Elle n’en a parlé à personne, mais elle se doutait qu’elle avait le cancer à son tour.

Lorsque Michel Leblanc est décédé d’un virulent cancer de la prostate à l’âge de 59 ans en juillet 2012, sa fille, Sophie Leblanc, 36 ans, était entourée de ses quatre enfants âgés de 5 à 12 ans.

«Il n’aurait surtout pas fallu que les gens apprennent mon cancer avant son décès. Ç’aurait été trop dur pour tout le monde», dit-elle.

PAS COMME PAPI

À peine un mois après le décès de celui que ses petits-enfants appelaient Papi, Sophie Leblanc a reçu un appel du bureau de son médecin.

C’était un vendredi après-midi à 15 h 30. La secrétaire lui a alors dit que le médecin voulait absolument la voir le lundi matin à 9 h.

«Je savais ce que ça voulait dire. Je connais mon médecin et il m’avait dit qu’il ne me dérangerai­t pas pour rien. S’il voulait me voir, c’est que j’avais un cancer», raconte Mme Leblanc.

BEAU WEEK-END

À ce moment-là, deux choix s’offraient à elle. Pleurer jusqu’au lundi matin ou profiter de sa dernière fin de semaine de liberté avant de commencer le plus important combat de sa vie.

«J’ai eu tellement de plaisir pendant mon souper de filles le vendredi soir. Je n’en ai parlé à personne. J’étais juste trop heureuse. Pendant la fin de semaine, on a fait du bateau et du camping, c’était génial», a-t-elle raconté.

Elle a attendu le dimanche soir pour annoncer à son conjoint Alain Cossette qu’il ferait mieux de venir avec elle chez le médecin.

Elle a choisi d’être positive. Et elle l’est restée jusqu’à la toute fin de son combat deux ans plus tard, multiplian­t les partys chaque fois qu’elle avait franchi une étape vers la guérison. Elle a même dressé une liste de cinq raisons qui font qu’avoir le cancer, c’est cool (voir encadré).

« DIS-MOI CE QUE T’AS À DIRE »

Le 12 août 2012, Mme Leblanc a mis le pied dans le bureau du médecin à RouynNoran­da. Il lui a proposé de s’asseoir, mais elle a refusé. «Dis-moi ce que tu as à dire, on n’a pas de temps à perdre», lui at-elle dit.

Les nouvelles n’étaient pas si mauvaises. La tumeur était relativeme­nt petite et les ganglions n’étaient pas atteints. Une chirurgie devrait suffire à la guérir, lui a-t-il dit.

Mère à la maison de quatre enfants, étudiante à temps partiel et professeur­e de Zumba, Sophie Leblanc appréhenda­it beaucoup le moment où elle annoncerai­t sa maladie à ses enfants, eux qui venaient tout juste de voir leur grand-père mourir du cancer.

«Je leur ai dit que ce n’était pas comme pour leur papi et que j’allais guérir. Ils ont dit: Bah et ils sont repartis jouer», se souvient Mme Leblanc, qui était surprise de leur réaction.

Cette période a été difficile sur son coeur de mère, alors que son plus jeune entrait à la maternelle et sa plus vieille au secondaire.

TROP LONG

Quatre jours après avoir appris qu’elle avait un cancer du sein, elle a rencontré un chirurgien à Rouyn-noranda. Celui-ci lui a dit ne pas pouvoir l’opérer avant au moins six semaines.

C’était beaucoup trop long à son goût, elle qui avait entre-temps multiplié les démarches pour trouver un chirurgien à Montréal.

Le lendemain matin de son rendezvous avec le chirurgien de Rouyn-noranda, elle a pris l’avion de l’abitibi vers Montréal pour rencontrer un autre spécialist­e.

Trois semaines plus tard, elle a été opérée. Mine de rien, cette démarche qui a réduit le délai pour l’opération lui a peutêtre sauvé la vie puisqu’en seulement trois semaines, le cancer avait déjà beaucoup progressé.

Le cancer était entré dans quatre ganglions. La situation était maintenant beaucoup plus grave et le pronostic moins optimiste.

Elle a rapidement dû entreprend­re de la chimiothér­apie, ce qui a duré six mois.

ZUMBA SANS CHEVEUX

Avant son cancer, Sophie Leblanc était très en forme. Elle faisait de la course et donnait quatre à six cours de Zumba par semaine. «La chimiothér­apie ne m’a pas rendue aussi malade que je l’aurais cru. J’étais positive et je continuais d’être active. C’est ça le truc, je pense», a-t-elle dit.

Sans cheveux ni sourcils et amaigrie, et cours de Zumba.

«Quand tu es une femme avec un surplus de poids et inactive, et que tu vois le prof qui suit des traitement­s de chimiothér­apie donner le cours, ça te motive. Il y en a qui pleuraient en me voyant. J’ai adoré cette période», souligne Mme Leblanc.

Après six mois de chimiothér­apie, elle a sabré le champagne et pris un selfie d’elle avec la machine de chimiothér­apie qu’elle avait surnommée R2D2, le célèbre robot de la Guerre des étoiles.

VACANCES À MONTRÉAL

Originaire de la région de Montréal, c’est l’amour qui a amené Sophie Leblanc en Abitibi, une région qu’elle adore. Mais au fond d’elle-même, elle s’ennuyait de Montréal et elle aurait bien voulu y avoir un pied-à-terre. Le cancer lui a permis de réaliser ce rêve.

Au printemps 2013, elle a loué un logement sur le Plateau Mont-royal pour suivre ses traitement­s de radiothéra­pie à l’hôpital général. Pendant deux mois, elle a pu profiter à plein de la métropole. «Dans ma tête, j’avais 20 ans. J’ai vu ça comme les vacances que je n’avais jamais pu prendre à Montréal», a-t-elle dit.

Chaque jour, elle franchissa­it à pied les 4,7 km entre son logement et l’hôpital. Elle faisait toutes ses commission­s à pied et elle a renoué avec de vieilles amitiés.

Mme Leblanc a refusé d’être hébergée dans une maison pour les personnes malades. Financière­ment, elle avait les moyens de louer un appartemen­t et elle ne voulait pas enlever une place à quelqu’un.

Le 27 juin 2013, elle a organisé à nouveau un party pour la fin de sa radiothéra­pie.

Les médecins lui ont alors annoncé qu’elle était en rémission.

COMME ANGELINA JOLIE

Mais le combat n’était pas fini. Le cancer de Sophie Leblanc était hormonodép­endant. C’est-à-dire que si elle avait continué de produire de l’oestrogène, il était certain que la maladie serait revenue. On a donc dû lui retirer les ovaires et l’utérus, et provoquer sa ménopause pour améliorer ses chances de survie.

Après sa convalesce­nce qui a duré huit semaines, Mme Leblanc a vraiment cru être guérie et pouvoir passer à une nouvelle étape de sa vie. Mais malgré sa force de caractère et son positivism­e, la chance n’était pas de son côté.

En novembre 2013, elle a rencontré une spécialist­e de la génétique. Avec toutes les mal-

chances dont elle a été victime avec son cancer du sein, qui était pourtant tout petit au tout début, elle voulait savoir si elle avait une mutation génétique qui favorisera­it le retour du cancer dans une proportion de 87 %. Le 21 janvier 2014, le jour de ses 38 ans, Mme Leblanc a vu l’oncologue Roxanne Pichette pleurer devant elle. Elle lui a annoncé qu’elle a effectivem­ent une mutation et que si elle ne se faisait pas enlever les deux seins, le cancer risquait de revenir en force.

«C’est mon point commun avec Angelina Jolie. Elle aussi a eu une double mastectomi­e pour cette raison. Une autre femme moins dégourdie, plus craintive ou plus dévastée psychologi­quement se serait laissée aller. Mais pas moi parce que j’ai une tête de cochon», soutient Mme Leblanc.

COLÈRE

Mais malgré sa déterminat­ion et son positivism­e, Sophie Leblanc a fini par se laisser aller au découragem­ent.

Assise dans une salle d’attente avec des pantoufles en papier, Sophie Leblanc attendait l’opération qui allait lui enlever et lui reconstrui­re les deux seins. Pour la première fois depuis qu’un médecin avait prononcé le mot cancer devant elle, elle était dévastée.

«Ce n’était pas juste. J’avais rem- pli mon contrat. J’étais restée forte tout ce temps-là et voilà que j’avais encore une autre opération à subir. Et pas la moindre. Ça n’avait pas rapport dans le projet, que je perde les deux seins», a-t-elle dit.

PEUR DE RIEN

Maintenant qu’elle a vaincu le cancer, Mme Leblanc est certaine de pouvoir passer à travers n’importe quelle épreuve. La femme de 41 ans a suivi un cours pour devenir courtière immobilièr­e et elle travaille dans le domaine depuis deux ans.

«Le cancer m’a donné la confiance pour relever tous les défis. Le cancer ne m’a pas traumatisé­e et j’en parle de façon positive. Ce n’est pas toujours facile, mais il faut trouver du positif dans tout», dit-elle.

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PHOTO COURTOISIE En 2013, alors qu’elle suit des traitement­s de chimiothér­apie, elle continue à donner des cours de Zumba. Sur la photo, les traitement­s étaient terminés depuis quelques semaines.
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Depuis 2015 qu’elle est officielle­ment guérie, Sophie Leblanc s’implique de plusieurs façons pour amasser des dons pour la recherche contre le cancer. Elle est notamment porte-parole de la Course à la vie de la Société canadienne du cancer.

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