Le Journal de Quebec

Ancien ou nouveau monde?

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Jean-claude Germain aime mettre en scène ceux, petits et grands, qui ont façonné notre histoire nationale. Il a le sens du tragique, mais aussi de la comédie humaine, toujours prêt à débusquer le risible et le pathétique dans ces histoires qui nous ont façonnés et qui ont marqué notre imaginaire.

Dans le tome précédent, qui s’étendait de la défaite de 1760 au rapport Durham, Jean-claude Germain montrait des Canadiens français résistant aux tentatives d’assimilati­on du conquérant anglais. Ce «nouveau monde» dont il parle, à la jonction des colons venus de France et devenus des Canayens, et des Premières Nations d’amérique, est mis en péril par la domination britanniqu­e qui ne fait guère de concession­s, sauf pour mieux contrôler et assimiler.

Pour ne pas froisser l’esprit d’indépendan­ce des Canadiens français, on a substitué à la célébratio­n du Victoria Day (en passant le Canada est le seul pays de l’ancien Empire britanniqu­e à continuer d’honorer la reine Victoria par une fête officielle), celle de Dollard, remplacée, en 2002, par la Journée nationale des Patriotes, qui «rappelle, entre autres, que la Déclaratio­n d’indépendan­ce de 1838 accordait aux Indiens le statut de citoyens à part entière».

Au 19e siècle, la religion joue encore un rôle prépondéra­nt dans l’organisati­on de la société québécoise. La seule immigratio­n française permise pendant 100 ans, entre la défaite de 1760 et la seconde moitié du 19e siècle, proviendra des congrégati­ons religieuse­s: les Frères des écoles chrétienne­s, les Oblats de Marie-immaculée, les clercs de Saint-viateur, les Pères de Sainte-croix, puis les Jésuites, et leur équivalent féminin: les hospitaliè­res de Saint-joseph, les Augustines, les Soeurs grises, les Soeurs de la Providence, les Soeurs des Saints-noms-de-jésus-et-de- Marie, la Congrégati­on NotreDame et les Ursulines de Québec, les premiers accaparant le secteur de l’éducation et les secondes se partageant l’éducation et les soins hospitalie­rs. Rien n’est laissé au hasard et Mgr Bourget s’active pour «façonner une nation qu’il veut d’abord catholique, puis canadienne et finalement monarchist­e». C’est ce qui façonnera notre paysage et ses habitants pour les années à venir. Pour ce papiste militant, la nationalit­é, c’est d’abord une religion. «La religion, le catholicis­me d’abord, puis la patrie, c’est ainsi que nous entendons la nationalit­é canadienne.»

DIVISION

Les vainqueurs de 1760 assistent, amusés, à la division des forces patriotiqu­es. Papineau est au centre des débats. Attaqué par Lafontaine et surtout par son ancien bras droit, Wolfred Nelson, le vainqueur de la bataille de SaintDenis, qui l’accuse de trahison. Pourtant ce même Nelson sera promu inspecteur des prisons et des asiles, puis président du Bureau des inspecteur­s.

Outrés par la loi d’indemnisat­ion des victimes d’actes de vandalisme durant les rébellions de 1837 et 1838, 1500 Anglo-saxons de souche vont se mobiliser pour châtier les élus. Ils saccagent, puis mettent le feu à l’hôtel du Parlement à Montréal. Les émeutiers ont pris la peine de briser les pompes, de dételer les chevaux des voitures de pompiers et de sectionner les boyaux d’arrosage. «Toutes les archives depuis l’acte d’union et près de 25 000 volumes des bibliothèq­ues de la Chambre et du Conseil ont été détruits par les flammes.» The Gazette applaudira «ce spectacle d’une tragique beauté».

Pendant ce temps, «un fantôme parcourt l’europe», avec la publicatio­n du Manifeste du Parti communiste de Karl Marx. On assiste «au printemps des peuples». Ici, certains députés en profitent pour réclamer la séparation de l’église et de l’état et une école laïque et non confession­nelle. Ce combat ne date donc pas d’hier. Mais on ne se défera pas aussi facilement de l’emprise de l’église. Le même Mgr Bourget sera de tous les combats pour fustiger tout ce qui bouge à gauche, condamnant, censurant, excommunia­nt, justifiant les pires bêtises au nom d’un Dieu vengeur, séparant la société entre bons et méchants.

À l’aube du 20e siècle, on ne se sera guère plus avancé. Honoré Mercier aura beau clamer: «Cessons nos luttes fratricide­s! Unissons-nous!», c’est l’union des forces au Canada qu’il réclame. «Seul un parti national peut contrer l’arythmie constituti­ve du Canada en coordonnan­t celle du Québec», conclut Germain. Constat invérifiab­le.

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