L’anniversaire de tous les dangers
Les sondages étant changeants par définition, les partis politiques s’y fient à leurs risques et périls. Quand l’aiguille des sondeurs bouge, les chefs de parti y cherchent à tort leur propre gouvernail. Ce faisant, ils oublient quatre choses essentielles.
1) Les sondages sont le portrait d’une réalité déjà passée; 2) Les campagnes électorales produisent des résultats de plus en plus imprévisibles; 3) Trop se coller aux sondages rend les partis inconstants; 4) Trop d’inconstance mine la confiance des électeurs.
Prenons le sondage Léger du 18 mars réalisé pour Le Devoir. Pour le Parti québécois de Jean-françois Lisée, la douche s’avère froide. Chez les francophones, le saut de Gabriel Nadeau-dubois (GND) en politique fait grimper les appuis de Québec solidaire (QS) de 9 % à 17 %. Au PQ, ils passent de 36 % à 31 %.
DANS L’AIR DU TEMPS
Au Québec, le PQ régresse aux mêmes 25 % qu’à l’élection de 2014 – son pire score en 40 ans. L’incertitude d’une convergence PQ-QS capable de briser le «monopole libéral» persiste aussi. Qui plus est, l’arrivée de GND met le PQ face à son principal défi: comment incarner le «changement» face aux libéraux?
Or, en accusant la classe politique des 30 dernières années d’avoir «trahi» le Québec, GND met le PQ dans le même panier que le PLQ. Selon le dernier sondage Léger, cette formule lapidaire est appuyée par 50 % des répondants, dont 56 % des électeurs péquistes.
En cela, le discours de GND est dans l’air du temps. Il s’inscrit tout à fait dans ce que l’historien américain Perry Anderson décrit comme un bouillonnement antisystème qui, de la gauche à la droite, secoue l’europe et les États-unis.
UNE ANNÉE CRUCIALE
Par hasard, l’élection d’octobre 2018 va coïncider avec le 50e anniversaire du PQ. Une énième défaite à un moment aussi symbolique de son histoire pourrait l’affaiblir longtemps. Face à son destin, le PQ cherche pourtant encore ses repères.
Bifurquant tantôt à gauche pour séduire les solidaires, tantôt à droite pour attirer des caquistes, rien n’illustre mieux cette inconstance que la question dite identitaire. Avec sa charte des valeurs, Pauline Marois chassait dans les talles conservatrices de la CAQ. Après sa défaite cuisante de 2014, le PQ a tourné la page. En entrevue, hier, au Journal, M. Lisée revient sur ses pas.
Accusant Philippe Couillard et Radio-Canada de «culpabiliser les Québécois qui tiennent à la laïcité», il présente le PQ comme le parti des valeurs québécoises et de l’identité «depuis sa fondation». Bref, cerné sur sa gauche par QS et sur sa droite par la CAQ, le PQ tente à nouveau de reprendre le flambeau identitaire des mains de François Legault.
D’ici l’élection de 2018, d’autres sondages couleront pourtant sous les ponts. À force de trop s’y coller depuis le référendum, le Parti québécois a souvent versé dans l’errance politique. À l’aube de ses 50 ans, retrouver sa constance lui ferait sûrement le plus grand bien.