quand deux champions se retrouvent
Pierre Durocher Ils sont les seuls à avoir remporté le championnat des frappeurs à Montréal
Tim Raines et Al Oliver sont les deux seuls joueurs à avoir remporté le championnat des frappeurs dans l’uniforme des Expos et ils se retrouveront vendredi soir au Stade olympique.
Oliver se dit fort heureux de participer à l’hommage qui sera rendu à Raines afin de souligner l’intronisation au Temple de la renommée du baseball de celui qu’on surnommait «Rock».
«Je n’ai joué que durant deux saisons avec les Expos, soit en 1982 et en 1983, mais je me souviens très bien du plaisir que j’ai eu de côtoyer un joueur électrisant comme Tim Raines», a raconté Oliver lorsque Le Journal l’a joint au téléphone en Ohio.
«Tim était un gars amusant, qui aimait bien rire tout en jouant au baseball. Il mordait dans la vie. Il a connu une formidable carrière et je me réjouis de son élection au Temple de la renommée. C’est pleinement mérité. J’ai hâte de le revoir vendredi.»
L’OVATION D’UNE VIE
Oliver, surnommé «Scoop», a remporté le championnat des frappeurs en 1982 en conservant une moyenne de ,331.
Cette année-là, celui qui portait le numéro 0 a vécu ses moments les plus électrisants avec les Expos lors de la présentation du match des étoiles le 13 juillet au Stade olympique. Il était l’un des cinq représentants de l’équipe à la classique.
«Je n’oublierai jamais la longue ovation que la foule de 59 000 spectateurs m’avait réservée, a confié l’homme âgé de 70 ans. Dusty Baker m’avait alors mentionné que c’était le genre d’ovation qu’un joueur reçoit une fois dans sa vie.
«J’avais pu constater que les amateurs de baseball de Montréal réalisaient pleinement ce que j’avais accompli avec les Pirates et les Rangers avant de m’amener avec les Expos. Si l’annonceur maison n’avait pas mis fin à l’ovation, je crois que j’aurais fondu en larmes», a ajouté Oliver, qui participera dimanche à l’expos Fest II à la Plaza Centre-ville (777, boulevard RobertBourassa). Peux-tu nous parler davantage de cette participation à la cérémonie en l’honneur de Tim Raines?
«C’est spécial lorsqu’on pense que j’ai passé la majeure partie de ma carrière avec les Pirates, les visiteurs au Stade olympique ce week-end, que j’ai remporté mon unique championnat des frappeurs dans l’uniforme des Expos et que j’ai terminé ma carrière avec les Blue Jays en 1985. Quelle coïncidence! C’est une sorte de retour à la maison pour moi. D’ailleurs, je souhaite de tout coeur que les Expos renaissent un de ces jours. Je sais que vous avez un maire qui croit fermement au projet.»
Quelles sont tes principales occupations aujourd’hui?
«J’ai toujours eu la parole facile, comme vous le savez (!) et je donne des conférences sur la motivation un peu partout, notamment au sein des troupes américaines. Je m’implique aussi dans ma communauté religieuse en Ohio dans un rôle de beacon (prédicateur).»
Ton séjour avec les Expos fut plutôt bref, mais tu es tout de même devenu l’un des favoris de la foule. Que retiens-tu de ce passage à Montréal? «Les Expos avaient acquis mes services en échange de Larry Parrish, un joueur fort populaire et il avait fallu que je m’impose rapidement dans le coeur des partisans. Ma première saison fut emballante à tous les points de vue. J’ai totalisé 204 coups sûrs, dont 43 doubles, et j’ai produit 109 points. Je réalisais la chance que j’avais de me retrouver au sein d’un rôle des frappeurs qui incluait de jeunes vedettes comme Gary Carter, Andre Dawson et Raines. Les lanceurs adverses n’avaient pas d’autre choix que de me défier au bâton et j’en avais profité, dominant la ligue dans cinq catégories. Carter aimait bien me taquiner en m’appelant «Doctor Al». Il trouvait que je maîtrisais parfaitement l’art de frapper des balles en flèche.»
Comment se fait-il que tu as été échangé par la direction des Expos au terme de ta deuxième saison à Montréal, même si tu t’étais retrouvé de nouveau au match des étoiles? «J’étais reconnu pour mes qualités de frappeur, mais j’étais malheureusement ennuyé par des malaises à l’épaule, ce qui m’empêchait d’effectuer de bons relais quand je jouais au premier but. Le Dr Frank Jobe avait décelé des éclats d’os dans mon épaule amochée quelques années auparavant, mais il avait jugé qu’une série d’exercices allait être préférable à une opération. J’étais conscient que mon jeu défensif n’était pas au point, mais heureusement, je n’ai jamais été la cible de huées de la part des
partisans des Expos quand je commettais une erreur. On m’a échangé aux Giants le 27 février 1984 parce que l’équipe avait mis Pete Rose sous contrat et qu’elle voulait le faire jouer au premier coussin. Pete n’aura finalement disputé que 95 matchs avec les Expos. Je n’ai jamais oublié les commentaires d’andre Dawson, qui avait critiqué publiquement la direction de m’avoir laissé partir...»
La pilule avait-elle été difficile à avaler?
«Et comment! J’adorais jouer pour les Expos. Les gars m’avaient si bien accueilli! Et cette transaction était survenue au début du camp d’entraînement. Je me souviens que j’avais dû me taper une longue randonnée entre la Floride et l’arizona avec ma femme et nos jeunes enfants dans la voiture. Ce fut très difficile aussi d’apprendre la nouvelle de l’échange par l’entremise d’un ami, qui l’avait entendue à la radio.» En 18 saisons dans les majeures, tu as récolté 2743 coups sûrs, produit 1326 points et conservé une moyenne au bâton de ,303. Tu as pris part à sept matchs d’étoiles et tu as aidé les Pirates à remporter la Série mondiale en 1971. Ta candidature n’a pourtant jamais été sérieusement envisagée par les journalistes appelés à voter pour les joueurs qui sont admis au Temple de la renommée. As-tu une idée pourquoi?
«J’aimerais bien le savoir. Pourtant, lorsque je regarde les règles d’admissibilité au Temple de la renommée, il me semble que je réponds plutôt bien à tous les critères. Il est dommage que je n’aie pas obtenu la chance de poursuivre ma carrière dans un rôle de frappeur de choix durant trois ou quatre ans. J’aurais pu atteindre le plateau des 3000 coups sûrs et cela aurait aidé ma cause auprès des gens appelés à voter. On m’a souvent dit que j’ai été l’une des victimes de la collusion dont les propriétaires ont été accusés en 1986. Tout cela a pesé dans la balance.»
Tu as participé à l’écriture d’une page d’histoire le 1er septembre 1971 à Pittsburgh lorsque, pour la première fois, une formation complète dans le baseball majeur était composée de joueurs de race noire. Peux-tu nous parler de cet événement?
«C’était une très grosse histoire, à l’époque, et ce l’est toujours. On ne reverra probablement plus jamais ça. On misait sur de très grandes vedettes comme Roberto Clemente et Willie Stargell, et, quelques semaines plus tard, les Pirates remportaient la Série mondiale contre les Orioles de Baltimore en sept rencontres. Clemente avait été choisi joueur par excellence de la série. Il devait perdre la vie dans un accident d’avion le 31 décembre de l’année suivante...»
Peux-tu nous parler des liens d’amitié que tu avais développés avec Clemente?
«Roberto était déjà une grande étoile lorsque j’ai commencé ma carrière avec les Pirates, à la fin des années 1960. Il m’avait pris sous son aile. Il avait vite remarqué mes talents de frappeur, mais il m’appréciait aussi parce je lui ressemblais sur certains points, notamment sur le plan de la personnalité. Nous étions tous les deux francs et directs dans nos commentaires devant les membres des médias. Certains scribes nous reprochaient d’être arrogants, mais nous avions simplement confiance en nos habiletés. Le décès tragique de Clemente m’avait brisé le coeur. Mon père était décédé quelques années auparavant et Roberto était devenu un mentor pour moi.»