Le Journal de Quebec

Six mois après Matthew, la faim ronge le sud d’haïti

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JÉRÉMIE | Accroupi près de l’abri de fortune qu’il partage avec ses parents et ses cinq frères et soeurs, Fanfan Édouard aiguise lentement sa machette: couper du bois pour le feu ne presse pas, la famille n’a rien à mettre dans la marmite.

«Je vais essayer d’aller acheter du riz à crédit et trouver du travail, n’importe quoi pour le payer demain», explique sans conviction le jeune homme de 26 ans.

Depuis que l’ouragan Matthew a détruit leurs deux petites maisons en octobre, la famille Édouard survit dans quelques mètres carrés, mais les tôles trouées ne protègent en rien les deux lits qu’ils se partagent: quand il pleut, ils passent leurs nuits dans la grotte située à quelques mètres.

N’avoir qu’une grotte comme abri n’est pas la première préoccupat­ion de la centaine de personnes qui vivent à Fond Rouge, près de Jérémie, chef-lieu du départemen­t de la Grande Anse, dans le sud-ouest d’haïti.

RÉCOLTES PERDUES

Isolées à deux heures de marche de la ville, ces familles de petits agriculteu­rs qui ont perdu leurs récoltes n’ont reçu qu’une fois de l’aide en six mois. Survivant en prenant des thés d’herbes sauvages et de pain.

En contrebas, dans la ville où se tiennent régulièrem­ent des réunions D’ONG et d’agences de L’ONU, les conditions de vie des victimes de l’ouragan ne sont guère meilleures.

Sur la plage de Jérémie, une quinzaine d’hommes s’affairent à remonter un filet quasiment vide. «On a tous perdu nos bateaux. Du coup, on ne pêche que d’ici», regrette Astrid Guerrier. «Il n’y a que des petits poissons. On sait que c’est dangereux, car ils n’ont pas le temps de se reproduire et donc, après, il y aura moins de poissons, mais on n’a pas le choix», se désole l’homme de 38 ans.

En mars, la Coordinati­on nationale pour la sécurité alimentair­e, dépendant du ministère de l’agricultur­e, a alerté sur la «situation chaotique» dans la Grande Anse, où «plus de 180 000 personnes, soit près de 43 % de la population, se trouvent en proie à cette situation d’urgence».

GASPILLAGE

Bertrand Dasney, qui travaille à Jérémie pour le ministère de l’agricultur­e, a motivé l’associatio­n de pêcheurs pour débarrasse­r bénévoleme­nt la plage des quantités de déchets accumulés ces derniers mois.

Il voit la difficile survie des sinistrés et est aussi fatigué d’être le témoin du gaspillage des ressources.

«L’argent file dans les grosses voitures qui vont et viennent, dans l’essence qui se consomme. Imaginez, l’autre jour, une ONG étrangère a pris deux voitures, 10 personnes, pour juste aller remettre deux cartons dans une zone reculée», raconte M. Dasney.

– Par Amélie Baron, Agence France-presse

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Un homme marche dans les déchets qui jonchent le rivage de Jérémie, qui a été ravagée par l’ouragan.

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