L’honorable M. Drouin
Hérouxville. Chez les branchés, il suffit de rappeler l’existence de cette petite ville de Mauricie pour susciter un cri d’effroi.
On s’en souvient, début 2007, en pleine crise des accommodements raisonnables, Hérouxville avait édicté un code de vie à l’endroit des immigrants qui voudraient s’y installer.
On en avait beaucoup parlé. Certains articles de ce code étaient d’une maladresse indéniable. Interdit de lapider les femmes! On s’en doutait oui! Pourtant, ce code de vie énonçait à sa manière un principe élémentaire: à Rome, on fait comme les Romains.
HÉROUXVILLE
Le code de vie de Hérouxville a été associé à André Drouin, le conseiller municipal qui l’a porté.
C’était un homme pittoresque. Il s’exprimait vertement, comme s’il était étranger aux codes mondains. Les médias ont voulu le transformer en bête de foire, comme s’il était la brute épaisse de son village, carburant à la xénophobie et à l’ignorance.
C’était le gros raciste faisant honte aux Québécois modernes. André Drouin nous a quittés dimanche. Il avait 70 ans.
La moindre des choses, aujourd’hui, c’est de corriger ce portrait ignoble et lui rendre hommage.
Car André Drouin était un homme honorable.
À un moment de notre histoire récente où nos élites politico-médiatiques pratiquaient dans une quasi-unanimité le culte des accommodements raisonnables, il a exprimé l’exaspération de bien des Québécois ordinaires contre une idéologie qui les dépossède de leur identité.
Il n’avait pas toujours les mots exacts pour faire sa critique. Il a commis certaines maladresses. Mais faut-il réserver la vie publique aux spécialistes en communication?
Il est pourtant parvenu à envoyer un signal fort: bien des Québécois en avaient assez du multiculturalisme.
Il en a envoyé un autre: nous n’avons pas à tout accepter au nom de la «diversité». À gauche, on nous parle toujours de participation citoyenne. Mais si le peuple ne ressemble pas à une assemblée de Québec solidaire, on le dédaigne et on hurle au populisme.
Je devine qu’andré Drouin n’a pas aimé se faire traiter de gros imbécile. Qui a envie de subir une pluie de crachats et de devenir un paria? Et pourtant, il a poursuivi inlassablement son combat. Il a fait preuve d’une vertu aujourd’hui assez rare: il a fait preuve de courage civique.
Qu’est-ce que le courage civique? Cela consiste à dire ce que l’on croit et à ne pas se cacher de peur d’attraper une mauvaise réputation.
Cela consiste à se mêler d’un débat essentiel, même si on sait qu’on en ressortira couvert de boue.
COURAGE
Sans des hommes faisant preuve d’un tel courage, un pays se pétrifiera mentalement et se soumettra à la rectitude politique.
Il n’avait pas toujours les mots exacts pour faire sa critique. Il a commis certaines maladresses. Mais faut-il réserver la vie publique aux spécialistes en communication?