Le Journal de Quebec

Qui espionne le Parlement canadien ?

Une enquête est lancée pour découvrir qui a installé des appareils clandestin­s près de la colline Parlementa­ire

- GUILLAUME ST-PIERRE ET DOMINIQUE LAHAYE

OTTAWA | La GRC et les services secrets canadiens ont déclenché hier une enquête pour déterminer qui se cache derrière l’utilisatio­n d’appareils d’espionnage clandestin­s détectés près du Parlement canadien, à Ottawa.

«Nous sommes très impatients de découvrir la source de cette activité de surveillan­ce», s’est inquiété le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Lundi, Radio-canada a révélé avoir décelé la présence d’appareils capables d'intercepte­r des données de téléphone cellulaire, en des endroits stratégiqu­es situés en plein coeur de la capitale fédérale ( voir ci-haut).

Le ministre Goodale a confirmé hier que les outils de surveillan­ce découverts n’appartienn­ent pas à des agences canadienne­s «comme la GRC ou le Service canadien du renseignem­ent de sécurité (SCRS)». L’utilisatio­n de ce matériel est donc forcément illégale et malveillan­te, puisque seules les autorités sont autorisées à s’en servir, sous de strictes conditions légales.

MESURES DE PRÉCAUTION

En coulisse au gouverneme­nt, on se veut rassurant en précisant que des mesures sont en place pour transmettr­e les informatio­ns sensibles entre les ministères et les fonctionna­ires. Ainsi, aucun renseignem­ent sur la sécurité nationale n'est partagé par «courriel» ou par ligne téléphoniq­ue «régulière», a indiqué une source.

Le gouverneme­nt n’a pas voulu donner plus de précisions quant aux mesures de protection prises.

Le ministre Goodale n’a pas voulu «spéculer» à savoir si le crime organisé ou un pays étranger, par exemple, est derrière l’espionnage illégal.

Le député conservate­ur Tony Clement ne s’est quant à lui pas gêné pour laisser entendre qu’un pays étranger pourrait être derrière les activités de surveillan­ce clandestin­e, et que les élus pourraient être visés.

«Clairement, les puissances étrangères sont de plus en plus agressives dans leurs techniques d’espionnage, notamment pour capter des informatio­ns sur les députés», a-t-il affirmé.

Le porte-parole du NPD en matière de sécurité publique, Matthew Dubé est d'avis que «la vie privée des Canadiens» doit être mieux protégée, en encadrant «l’utilisatio­n de ces technologi­es de surveillan­ce», a-t-il réclamé.

LE CANADA EN RETARD

Le Canada risque de devenir une risée sur la scène mondiale s’il ne s’attaque pas de front à l’espionnage, ont pour leur part réagi des observateu­rs.

Selon l’expert en sécurité nationale, Michel Juneau-katsuya, le gouverneme­nt doit réaliser que la situation a bien changé avec l’arrivée des nouvelles technologi­es.

Il fait valoir que le Canada a «dégarni les rangs du contre-espionnage» depuis les attentats de septembre 2001 pour investir davantage dans la lutte au terrorisme.

«Il faut maintenant remonter un peu nos effectifs dans ce domaine-là et, à cet égard, oui, on a été négligent pendant trop d’années», explique l’ex-agent du SCRS.

L’incident révélé lundi ne le surprend pas. Il confirme, selon lui, que le Canada est «l’un des pays occidentau­x les plus espionnés», notamment parce qu’il partage «les secrets de nos amis» en tant que membre d’organisati­ons internatio­nales telles que L’OTAN, NORAD et L’ONU.

Le fondateur de la compagnie de sécurité I&I Strategy, Jean Loup Le Roux, estime aussi que la menace est «mal comprise» de façon générale dans les sociétés occidental­es et que la «méconnaiss­ance des entreprise­s pose un gros risque à tous les niveaux, public, gouverneme­ntal et privé».

– Avec la collaborat­ion de Boris Proulx et Christophe­r Nardi

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