La «vérité» Leitao
Le ministre des Finances, Carlos Leitao, est l’un des rares à livrer le fond de sa pensée lorsqu’il est questionné sur les sujets de l’heure, au lieu de fournir la réponse prémâchée par le service des communications du premier ministre.
Nous en avons eu une éloquente démonstration dans le cadre de la tempête provoquée par la hausse de rémunération de 48 pour cent des bonzes de Bombardier.
Interrogé par les journalistes, Philippe Couillard était doux comme une soie, jeudi, malgré les 1,3 milliard $ puisés à même nos poches pour sauver la Série C.
«Est-ce que le moment est bien choisi? Est-ce que c’est le bon message? J’aurais tendance à dire probablement que non». On était bien loin de l’indignation populaire exprimée tous azimuts.
« C’est une décision qui regarde l’entreprise et ses actionnaires», a-t-il ajouté pour s’en laver les mains et éviter la moindre parcelle de blâme, ou à tout le moins, de dégoût.
Mitraillés à l’assemblée nationale, le premier ministre et la titulaire du Développement économique, Dominique Anglade, s’en tenaient rigoureusement à cette mièvre version.
Le lendemain, c’est Carlos Leitao qui a dit sans retenue ce que les Québécois voulaient entendre, alors qu’il était invité à parler de son budget à LCN. «Moi je suis choqué», a-t-il asséné, avant de demander carrément au conseil d’administration de «revoir sa politique de rémunération».
Son commentaire tranchant a fait sursauter au bureau du premier ministre.
MALAISE EN DIRECT
Plus tard, en marge d’une conférence de presse à Montréal, il s’est retrouvé aux côtés de Dominique Anglade, qui balbutiait encore une invitation à la «réflexion» pour les dirigeants du géant aéronautique.
Trop gentleman pour contredire sa collègue alors que la mêlée de presse était retransmise en direct, Leitao renvoyait quand même les scribes à sa déclaration du matin. Malaise !
PAS LA LANGUE DE BOIS
Le ministre a plus d’une fois fait les délices des journalistes allergiques aux langues de bois.
Il faut se rappeler comment il avait admis réfléchir à des scénarios de privatisation de la SAQ, en 2015, causant la surprise, avant que le premier ministre ne cherche à corriger le tir.
Ou encore, sa réponse spontanée à Justin Trudeau, qui veut confier la vente de marijuana légalisée aux provinces: «Moi, c'est un terrain qui ne m'intéresse pas. Qu'il s'arrange».
Dernièrement, il a instantanément écarté la gratuité des services de garde, pourtant réclamée dans le rapport de la Commission sur l’éducation à la petite enfance, qui venait de se taper une tournée provinciale de consultations.
Généralement sans filtre. Globalement plein de bon sens. Toutefois, tout n’est pas parfait. Le financier se fait quand même le porte-voix de la rhétorique gouvernementale à l’effet qu’il s’est créé 90 000 emplois au Québec en 2016. La vérité, selon Statistique Canada, se situe plutôt à 36 000.