Pierre Beaudoin ne mérite pas la note de passage
Tout en embarrassant maladroitement Québec et Ottawa, le conseil de Bombardier a réussi à rallier 93 % des Québécois – un consensus rarissime – contre la hausse de rémunération des cadres. Le message de la compagnie n’a pas du tout passé. Les conditions offertes aux cadres relèvent du conseil d’administration, dont le président doit expliquer et défendre les décisions.
Le président exécutif de Bombardier ne mérite pas la note de passage. Pierre Beaudoin a hésité à intervenir avant vendredi soir en n’abordant que sa propre situation.
On comprend son malaise de justifier une rémunération de 5,3 millions $ alors que les autres présidents de conseil au Canada – qui font le même travail décrit en page 28 de la circulaire – touchent environ 350 000 $, selon une toute récente étude de Spencer Stuart. Le président du comité de la rémunération a dû intervenir dans un langage éthéré pour expliquer les majorations.
DES EXPLICATIONS SIMPLES
La tempête aurait été nettement moins sévère si Bombardier avait fourni des explications simples (en dehors du jargon de la circulaire) pour dire notamment:
•Les indicateurs de performance retenus pour majorer la rémunération n’étaient pas ceux qu’utilisent habituellement les observateurs: hausse des ventes, des profits, croissance de l’emploi, etc. La certification de la Série C, la baisse des coûts de main-d’oeuvre par des mises a pied, la réduction du risque financier par l’obtention de l’aide gouvernementale sont des objectifs louables, mais dont l’impact se fera peut-être sentir plus tard.
•La moitié des six cadres visés n’ont pas fait une année complète de travail en 2015: le chiffre de cette dernière année était donc non comparable avec 2016. Le président exécutif aurait pu aussi expliquer en termes simples qu’attirer des cadres supérieurs dans une entreprise en difficulté demande des arguments financiers solides.
•Moins de 40 % des augmentations sont en argent sonnant, le reste étant lié à la performance des actions au cours des prochaines années. Dans le cas de M. Beaudoin, sa rémunération en argent sonnant et rutilant était plus élevée en 2015 qu’en 2016. La proposition de l’année additionnelle mise de l’avant par M. Bellemare ne soulève pas beaucoup d’enthousiasme.
DISCOURS TRIOMPHANT
Au lieu d’expliquer franchement ces faits atténuants, les dirigeants de Bombardier ont repris un discours triomphant qui ne tenait pas compte des préoccupations des Québécois et Québécoises. Au début de la crise, le public n’a eu droit qu’à quelques commentaires de relationnistes absolument pas crédibles!
Le président d’un conseil est le gardien de la pérennité d’une entreprise. Son défi est d’expliquer les choix du conseil pour la croissance à moyen et long terme de la société.
Voilà pourquoi une des premières leçons que doivent tirer les administrateurs de Bombardier est de revoir le plus rapidement possible le leadership au sein de ce conseil.