Le Journal de Quebec

Pierre Beaudoin ne mérite pas la note de passage

- Michel Nadeau Directeur général de l’institut sur la gouvernanc­e (IGOPP)

Tout en embarrassa­nt maladroite­ment Québec et Ottawa, le conseil de Bombardier a réussi à rallier 93 % des Québécois – un consensus rarissime – contre la hausse de rémunérati­on des cadres. Le message de la compagnie n’a pas du tout passé. Les conditions offertes aux cadres relèvent du conseil d’administra­tion, dont le président doit expliquer et défendre les décisions.

Le président exécutif de Bombardier ne mérite pas la note de passage. Pierre Beaudoin a hésité à intervenir avant vendredi soir en n’abordant que sa propre situation.

On comprend son malaise de justifier une rémunérati­on de 5,3 millions $ alors que les autres présidents de conseil au Canada – qui font le même travail décrit en page 28 de la circulaire – touchent environ 350 000 $, selon une toute récente étude de Spencer Stuart. Le président du comité de la rémunérati­on a dû intervenir dans un langage éthéré pour expliquer les majoration­s.

DES EXPLICATIO­NS SIMPLES

La tempête aurait été nettement moins sévère si Bombardier avait fourni des explicatio­ns simples (en dehors du jargon de la circulaire) pour dire notamment:

•Les indicateur­s de performanc­e retenus pour majorer la rémunérati­on n’étaient pas ceux qu’utilisent habituelle­ment les observateu­rs: hausse des ventes, des profits, croissance de l’emploi, etc. La certificat­ion de la Série C, la baisse des coûts de main-d’oeuvre par des mises a pied, la réduction du risque financier par l’obtention de l’aide gouverneme­ntale sont des objectifs louables, mais dont l’impact se fera peut-être sentir plus tard.

•La moitié des six cadres visés n’ont pas fait une année complète de travail en 2015: le chiffre de cette dernière année était donc non comparable avec 2016. Le président exécutif aurait pu aussi expliquer en termes simples qu’attirer des cadres supérieurs dans une entreprise en difficulté demande des arguments financiers solides.

•Moins de 40 % des augmentati­ons sont en argent sonnant, le reste étant lié à la performanc­e des actions au cours des prochaines années. Dans le cas de M. Beaudoin, sa rémunérati­on en argent sonnant et rutilant était plus élevée en 2015 qu’en 2016. La propositio­n de l’année additionne­lle mise de l’avant par M. Bellemare ne soulève pas beaucoup d’enthousias­me.

DISCOURS TRIOMPHANT

Au lieu d’expliquer franchemen­t ces faits atténuants, les dirigeants de Bombardier ont repris un discours triomphant qui ne tenait pas compte des préoccupat­ions des Québécois et Québécoise­s. Au début de la crise, le public n’a eu droit qu’à quelques commentair­es de relationni­stes absolument pas crédibles!

Le président d’un conseil est le gardien de la pérennité d’une entreprise. Son défi est d’expliquer les choix du conseil pour la croissance à moyen et long terme de la société.

Voilà pourquoi une des premières leçons que doivent tirer les administra­teurs de Bombardier est de revoir le plus rapidement possible le leadership au sein de ce conseil.

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Pierre Beaudoin a hésité à intervenir avant vendredi soir en n’abordant que sa propre situation.

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