Le Journal de Quebec

Comment ça, « si »?

- JOSÉE LEGAULT e ∫ Blogueuse au Journal Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique cjosee. legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

La controvers­e sur la rémunérati­on royale des hauts dirigeants de Bombardier s’incruste dans le paysage politique comme une bactérie en attente du bon antibiotiq­ue. Cela n’a rien à voir avec les médias. Ni même, à la limite, avec le travail des partis d’opposition.

La vraie raison de la persistanc­e étonnante de ce scandale est simple. Parce que le premier ministre s’entête à ne rien faire, la quasi-totalité des Québécois n’en décolère pas. Point.

Les citoyens n’entendent pas à rire face à cette poignée de hauts dirigeants multimilli­onnaires graciés en plus d’une augmentati­on globale de rémunérati­on frôlant les 50 %.

Les mêmes bonzes s’apprêtent même à sacrifier 15 000 emplois sur l’autel de la «rationalis­ation» de leurs opérations, dont 5000 au Québec. Pour ce qui est de mordre la main des contribuab­les qui les nourrissen­t, les patrons de Bombardier sont franchemen­t imbattable­s.

DES FONDS PUBLICS

Cherchant à justifier sa propre inaction, Philippe Couillard verse maintenant dans un «si» particuliè­rement troublant. «Si nous, les Québécois, on ne fait pas d’argent avec la C Series, lance-t-il avec nonchalanc­e, (les dirigeants de Bombardier) n’en feront pas non plus. Ils ne les auront pas leurs bonis.»

Comment ça, «si»? Faut-il maintenant comprendre qu’en échange de 1,3 milliard de dollars en fonds publics – sans compter les 372 millions $ prêtés par le gouverneme­nt fédéral et les 2 milliards $ de la Caisse de dépôt et placement dans la division transport –, il est possible que ce méga-investisse­ment des contribuab­les fasse patate pour eux en bout de piste?

Et ce, sans même le moindre droit de regard sur la rémunérati­on exagérée des patrons de Bombardier? Pinceznous, quelqu’un.

Le Journal rapportait pourtant hier qu’en échange d’un soutien financier nettement plus modeste, Investisse­ment Québec «possède un droit de regard sur la rémunérati­on des dirigeants d’entreprise­s qu’elle aide financière­ment». Pourquoi ne pas s’en inspirer pour un investisse­ment public beaucoup plus élevé?

TRANSPAREN­CE ET IMPUTABILI­TÉ

Ce qui nous ramène au péché originel dans la filière de la C Series. Soit la mauvaise négociatio­n de l’entente initiale liant le gouverneme­nt Couillard et Bombardier.

En dénonçant l’amateurism­e de la transactio­n, les partis d’opposition jouent certes leurs cartes partisanes. Au-delà de la caverne d’ali Baba des patrons de Bombardier, ils mettent néanmoins le doigt sur le bobo lorsqu’ils pointent en choeur cette très mauvaise entente.

Certains blâment l’extrême proximité du pouvoir politique et de la famille Beaudoin de Bombardier. Il y a de cela, c’est certain. Or, se pourrait-il aussi que le gouverneme­nt sache enfoncer le bistouri des compressio­ns jusqu’à l’os des services publics, mais qu’il soit pas mal moins habile pour protéger le bien public dans une négociatio­n aussi névralgiqu­e?

Pour faire «la lumière sur le processus d’investisse­ment dans Bombardier», le chroniqueu­r affaires PierreYves Mcsween propose d’en confier l’analyse à la vérificatr­ice générale. La somme de fonds publics en jeu étant colossale, l’idée a le mérite de reposer sur deux principes qui manquent gravement dans toute cette histoire: la transparen­ce et l’imputabili­té.

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Parce que le premier ministre s’entête à ne rien faire, la quasi-totalité des Québécois n’en décolère pas.

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