De conférencière anticancer à cancéreuse
Une nutritionniste qui faisait la promotion des aliments contre le cancer a été gênée de son diagnostic
PORT-CARTIER | Une nutritionniste qui donnait des conférences sur l’alimentation pour prévenir le cancer a remis sa carrière en question lorsqu’on lui a appris qu’elle en était elle-même atteinte.
Johanne Guillemette est non seulement un exemple en matière de saines habitudes de vie, mais elle en a aussi fait son métier. La nutritionniste de Port-cartier, sur la Côte-nord, est une adepte de sport: kayak, boxe, raquette, chasse, vélo. Elle adore bouger.
«La santé commence dans votre assiette et se poursuit par l’activité physique», répète-t-elle depuis toujours dès que l’occasion se présente. On peut l’entendre jusque sur le répondeur de son téléphone.
Pendant ses conférences sur les bonnes habitudes de vie à adopter, elle parle amplement des aliments à manger pour prévenir le cancer. Au quotidien, elle mange ces aliments pour être plus en forme. Avant même d’être malade, elle avait mis sur pied une présentation spécifiquement sur le sujet en collaboration avec l’association du cancer de l’est-du-québec.
Elle abordait aussi la question de l’alimentation à adopter pendant la lutte contre un cancer.
Alors, quand on lui a annoncé, à l’âge de 49 ans, qu’elle avait un cancer du sein, elle a été «gênée» du diagnostic.
Comment allait-elle convaincre les gens de bien manger pour ne pas avoir le cancer alors qu’elle-même devait en combattre un?
PETITE BOSSE
Tout a commencé avec une minuscule bosse sur son sein droit. Elle a passé une mammographie et les résultats étaient normaux. Par contre, la bosse a grossi. Son médecin lui a recommandé d’aller passer un examen plus poussé à Québec. Mais Mme Guillemette ne réalisait pas vraiment la situation et elle a mis quatre mois avant de s’exécuter.
Elle s’imaginait mal comment une personne ayant d’aussi bonnes habitudes de vie qu’elle pourrait être foudroyée ainsi. De plus, la graduation de sa fille approchait. Elle avait l’esprit à la fête et ce genre de nouvelles aux apparences négatives ne concordaient pas dans le tableau. Elle a l’impression d’avoir fait une sorte de déni.
«Je me disais: je n’ai pas le cancer voyons, je suis top shape, je suis en forme», a-t-elle dit.
Aujourd’hui, elle admet que ce fut une «erreur» de sa part qui aurait pu entraîner des complications encore plus lourdes.
«J’ai été chanceuse, comme il (son cancer) se développait vite, j’aurais pu me ramasser avec des métastases ou une masse beaucoup plus grosse», a dit Mme Guillemette.
Elle parle d’un black-out pour exprimer le sentiment qui l’a envahie dans le bureau de son médecin le 15 octobre 2014. On venait de lui découvrir trois masses dans les seins et ses ganglions étaient atteints. Il s’agissait d’un cancer «virulent». Elle devait être vue par une chirurgienne dès le lendemain matin.
«Tout le monde est blanc, tout le monde a peur. Tu penses tout de suite: “Peut-être la mort”», a-t-elle dit.
Une année de traitement intense s’annonçait. On lui a planifié dès le départ une opération, de la chimiothérapie et de la radiothérapie. Il n’y avait pas de risque à prendre avec ce type de cancer. Elle se sentait défaite.
RATTRAPÉEPARLAGÉNÉTIQUE
«Je ne fume pas, je ne prends pas un coup, pas de drogue, je suis sportive, je bouge tout le temps, je n’ai pas d’excès de poids, je mange bien. Pourquoi ça m’arrive à moi, la nutritionniste qui fait de la prévention, c’est quoi, la patente? » se souvient- elle avoir pensé.
Une proportion de 30 % de tous les cancers découle d’une mauvaise alimentation. Dans le cas de Mme Guillemette, c’est la génétique qui l’a rattrapée. Ses trois soeurs et sa mère n’ont jamais été affligées par la maladie, mais ce fut le cas pour une de ses tantes.
GÊNÉE DU DIAGNOSTIC
Johanne Guillemette a réfléchi sur la façon dont elle allait pouvoir aborder sa profession à l’avenir.
«Au début, j’ai eu une parcelle de gêne», a dit la nutritionniste maintes fois récompensée par son Ordre pour la qualité de son travail. «Mon Dieu, qu’est-ce que le monde va penser? Que la nutritionniste a eu le cancer, alors qu’elle-même fait de la prévention», s’est-elle dit.
Des gens lui ont effectivement fait la remarque.
«Le monde disait: “Mais si toi tu l’as eu, Johanne, on est donc bien à risque nous autres de l’avoir”», a-t-elle raconté.
Sauf que son mode de vie santé est justement ce qui a permis à Mme Guillemette de réagir aux traitements agressifs telle une «G.I. Jane», comme elle s’amuse à dire.
«Je n’ai pas été amortie comme certaines personnes en moins bonne condition qui se retrouvent à ne plus pouvoir manger, car elles ont mal au coeur, avec un système immunitaire affaibli, qui perdent du poids, de la masse musculaire, deviennent faibles et attrapent tous les microbes qui passent», a-t-elle illustré.
Le corps de Mme Guillemette était prêt et disposé à livrer bataille. Son médecin n’en revenait pas.
«Moi, ma forme physique m’a sauvée et aujourd’hui, je suis encore active», a-t-elle dit.
« Tout le monde est blanc, Tout le monde a peur. Tu penses Tout de suite, peut-être la mort. » -Johanne Guillemette