Le Journal de Quebec

Un président branché

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WASHINGTON| Donaldlead Trump est le président américain le plus branché de l’histoire. Pas tant parce qu’il est à la mode avec son utilisatio­n fiévreuse de texte Twitter. Non, branché dans le bon vieux sens de «branché sur le 110»: sa télé est «ploguée» dans le mur et c’est là qu’il tire ce qui est en train de devenir les piliers de sa présidence.

Quatre-vingts jours après son entrée à la Maison-blanche, on en est toujours à essayer de définir ce qu’est la «doctrine Trump». Si la «doctrine Obama» se résumait, pour certains, à «diriger de loin» ( lead from behind) et que celle de George W. Bush tournait autour d’«agir d’abord» ( preemptive strikes), celle de Trump aurait dû être «L’amérique d’abord» ( America First), le grand thème de son discours d’investitur­e.

C’est d’ailleurs le ton qu’il a maintenu au cours des 11 dernières semaines et jusqu’à mardi dernier, en fait, lorsque s’adressant à une grande associatio­n de syndicats des métiers du bâtiment à Washington, il a dénoncé le fait que «les pays étrangers se sont enrichis au détriment des États-unis.» «Ces jours-là sont terminés», a-t-il ajouté, «Je ne suis pas — et je ne veux pas être — le président du monde. Je suis le président des ÉtatsUnis. Et à partir de maintenant, ce sera l’amérique d’abord.»

VIRAGE BOUT POUR BOUT

Sauf que l’amérique est passée deuxième ce même soir, lorsque Donald Trump a ouvert son téléviseur. L’horreur régnait sur toutes les chaînes avec des images des victimes d’une attaque chimique sur la ville de Khan Cheikhoun, en Syrie. Pas que des victimes, de «beaux petits bébés», comme le président l’a souligné le lendemain, gestes à l’appui, les mains ouvertes et tendues, en conférence de presse avec le roi Abdallah de Jordanie.

La suite, on la connaît. Malgré l’engagement de se concentrer sur «L’amérique d’abord», malgré les propos de son secrétaire d’état, de son ambassadri­ce à L’ONU et de son porteparol­e dans les jours précédents indiquant que les Syriens allaient devoir se débrouille­r avec leur sort, les ÉtatsUnis ont bombardé la base aérienne syrienne d’où seraient partis les avions responsabl­es de l’attaque chimique.

Le président a justifié sa décision, en évoquant «l’intérêt vital de sécurité des États-unis de ne pas voir les armes chimiques se répandre et être utilisées». On est loin de «L’amérique d’abord». En fait, ce slogan n’a jamais été sa «doctrine»; la sienne, véritablem­ent, correspond plus à «Ce que je vois à la TV et qui me choque devient une priorité.»

PRINCIPAL CONSEILLER

Peu importe ce qu’il a écrit sur Twitter par le passé, peu importe ce qu’il a pu dire et promettre en campagne électorale, ce que Donald Trump entend et voit aujourd’hui prend le dessus. Il se vante d’être «une personne flexible» et, plus que tout, il aime tenir tout le monde sur ses gardes en se montrant imprévisib­le.

Sur ce plan, jeudi soir s’inscrit dans ses triomphes: personne n’a vu venir ses tirs de missiles et il a terminé sa courte déclaratio­n de fin de soirée avec quelques mots totalement inattendus: «Que Dieu bénisse les ÉtatsUnis et le monde entier.» Ce ne sont plus seulement les Américains qui doivent être aux aguets, mais «le monde entier». Laissez votre télé allumée: le président des États-unis regarde lui aussi.

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