Une présidence de superlatifs
WASHINGTON | Cette MaisonBlanche déborde d’enthousiasme. En fait, son principal occupant, parce que les autres, comme son secrétaire de presse, se serrent les fesses ou s’entre-déchirent pour avoir de l’influence dans le Bureau ovale. Trump, lui, voit toujours tout en grand.
Pour le milliardaire-président, toutes les idées qu’il a, tous les projets qu’il met de l’avant, tous ceux dont il s’entoure sont mieux, grandissimes, géniaux. Pas que ce soit une surprise: pendant la campagne électorale, il parsemait ses discours de phrases excessives. Souvenez-vous du «Je serai le plus grand président pour l’emploi que Dieu ait jamais créé.» Ou encore «Je vais frapper l’état islamique si fort que leurs têtes vont tourner sur elles-mêmes.»
C’est un tic de pensée et de langage qui a contaminé son entourage. En début de semaine, par exemple, son porte-parole Sean Spicer a commencé ainsi son briefing quotidien : «En ce 81e jour du gouvernement Trump, nous avons accompli tellement de grandes choses…» et de se mettre à réciter une liste de réalisations plutôt banales. On fait beaucoup dans la pensée positive.
D’ailleurs, un collègue du quotidien Politico a récemment souligné que pour Spicer, les choses, la plupart du temps, étaient «phénoménales». Le travail accompli par le président pour remplacer l’obamacare, l’assurance-maladie adoptée sous Obama? Phénoménal! Même si le projet a été abandonné. Les efforts déployés pour s’assurer que le deuxième décret sur l’immigration allait survivre à une contestation en cour? Phénoménaux! Pourtant, ce second décret a été suspendu comme le premier par un juge d’hawaï.
C’EST QU’ON N’EN REVIENT TOUJOURS PAS
Spicer s’est corrigé depuis, mais j’ai relevé, à mon tour, une nouvelle bé- quille sur laquelle s’appuie le secrétaire de presse de Trump pour vanter les mérites du gouvernement et de ses membres: incroyable. Prenez simplement le briefing de lundi: l’équipe qui occupe les postes les plus importants à la Maison-blanche est «incroyablement talentueuse». Bachar alAssad en Syrie, responsable de l’attaque chimique: «Nous nous sentons incroyablement confiants dans les preuves que nous avons.»
La rencontre du week-end avec le président chinois? «Incroyablement utile et productive!» Et son face-à-face avec le roi Abdallah de Jordanie, tout simplement « incroyable »! On se prend à conclure qu’ils n’en reviennent toujours pas d’avoir remporté cette élection présidentielle et qu’ils n’en «croient» pas leurs yeux eux-mêmes de frayer un jour avec un président et le lendemain avec un roi.
DES MOTS LOURDS DE SENS
Pour être honnête, il est tentant de réduire cette administration à quelques mots. Un reporter du Washington Post a trouvé cette semaine ses propres quatre mots pour résumer les 81 premiers jours de la présidence Trump: insensible, chaotique, mal planifiée et fascinée par les complots. C’est plus que quatre mots, je l’avoue, mais le résumé est bon.
Injuste peut-être de limiter la présidence américaine à une querelle de mots, mais difficile de ne pas en venir là quand Donald Trump se contente très souvent des 140 caractères que lui permet Twitter pour annoncer ses intentions politiques. Comme hier, lorsqu’il a exigé que la Chine se charge du problème nord-coréen, ou les États-unis allaient s’en occuper tout seuls. Avec un porte-avions en route vers la péninsule coréenne et un dictateur à Pyongyang qui brandit son armement nucléaire, pas le choix : il faut le prendre aux mots.
C’est un tic de pensée et de langage qui a contaminé son entourage.