100 ans de prison pour les tueurs d’une Québécoise
Les vagabonds qui ont assassiné la jeune femme à San Francisco sont « la preuve que le mal existe », dit sa mère
Audrey Carey voulait aller découvrir les merveilles du monde, mais elle a plutôt croisé le mal incarné. À l’approche de la sentence des trois vagabonds qui l’ont froidement assassinée en Californie, Le Journal revient sur le périple fatal de la Québécoise de 23 ans, qui vaudra à ses meurtriers jusqu’à 100 ans derrière les barreaux.
«Je ne le sais pas et je ne saurai jamais pour quelle raison vous avez décidé de faire un acte aussi sauvage... [...] Mais ce dont je suis persuadée, [c’]est que vous êtes la preuve que le mal existe.»
Ce message poignant est celui d’une mère éplorée, au coeur toujours écorché vif, 18 mois après l’assassinat de sa fille unique sur la Côte Ouest américaine.
L’extrait provient du témoignage qu’isabelle Tremblay a choisi de livrer par écrit à la juge Kelly Simmons prochainement, lorsque les meurtriers de sa fille Audrey seront condamnés à la prison. La femme de Saint-jean-sur-ri- chelieu l’a publié en intégralité sur sa page Facebook récemment.
Le 18 avril prochain, Lila Scott Alligood et Morrison Haze Lampley seront envoyés à l’ombre pour 50 et 100 ans respectivement. Ces peines ont été négociées à l’issue des réponses aux accusations enregistrées par les deux coaccusés relativement aux meurtres prémédités de la Québécoise Audrey Carey et de l’américain Steve Carter.
Lampley, 24 ans, purgera une peine deux fois plus longue que celle de sa copine de 19 ans, car c’est lui qui a appuyé sur la détente dans les deux cas.
Le troisième membre du groupe, Sean Michael Angold, a quant à lui déjà été condamné à 15 ans de pénitencier.
L’homme de 25 ans a écopé d’une sentence moins lourde que ses deux amis puisqu’il a accepté de témoigner contre eux lors de l’enquête préliminaire.
En septembre 2016, Angold a ainsi raconté en détail le plan sordide qu’il partageait avec le couple Lampley-alligood.
« FERME DE POT »
Le rêve du trio: amasser assez d’argent pour démarrer sa propre «ferme de pot» en Oregon. Pour atteindre leur objectif, les trois vagabonds californiens étaient prêts à tout. À voler, et même à tuer.
Angold a rencontré Alligood et Lampley à San Francisco, à la fin du mois de septembre 2015. Le couple arrivait de San Diego, en auto-stop.
Pendant les jours qui ont suivi, ils ont campé au Buena Vista Park, un endroit reconnu pour accueillir bon nombre d’itinérants. La bande y a consommé du crystal meth, une drogue dure qu’angold vendait dans la région.
Dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre, le trio a décidé de faire le tour des voitures stationnées près de Coit Tower.
Ils ont tenté d’ouvrir toutes les portières, dans l’espoir d’en trouver une qui serait débarrée.
ARME VOLÉE
Sous le siège passager d’un Ford F-150, les trois amis ont découvert un pistolet Smith and Wesson de calibre .40, dissimulé dans un coffret de sûreté.
Dans la console centrale du véhicule, il y avait deux chargeurs et des munitions dans une pochette de camouflage.
Lampley, Alligood et Angold ont tout dérobé, et ils ont pris la poudre d’escampette en laissant la portière entrouverte.
Le trio a rencontré la Québécoise Audrey Carey le lendemain, près d’un moulin à vent du Golden Gate Park.
La femme de 23 ans, qui avait entamé son premier voyage de type sac à dos en solo deux semaines plus tôt, leur aurait demandé si elle pouvait passer du temps avec eux. Elle ne se doutait pas le moins du monde que les trois drogués avaient prévu la voler.
«Ma fille Audrey était une jeune femme formidable [...]. Elle n’avait pas peur d’aller vers les gens, même les itinérants [...]. Et c’est bien ce qui a mené ma fille à sa perte lorsqu’elle vous a fait confiance, à vous, à trois monstres d’une cruauté innommable», a écrit la mère de la jeune femme, à l’intention des accusés.
Audrey avait été ciblée par la bande «parce qu’elle était étrangère et avait possiblement de l’argent». Lampley, Alligood et Angold n’avaient toutefois pas planifié de la tuer, a affirmé ce dernier à la cour de Marin County.
« AMIS » AU BAR
La veille de sa mort, la jeune femme originaire de Saint-jean-sur-richelieu a été vue avec ses nouveaux «amis» au bar Lucky 13 de San Francisco.
Un témoin a raconté à la police que Lila Scott Alligood a tenté de régler ses consommations avec une carte de crédit. Le serveur a toutefois refusé, car le bar
n’acceptait pas ce type de paiement.
Alligood serait alors sortie de l’établissement, contrariée. C’est à cet endroit que les enquêteurs ont retrouvé un peu plus tard une carte de crédit pliée appartenant à Audrey Carey.
Alligood avait donc déjà le portefeuille de la victime en sa possession avant de passer à l’acte, d’après ce qu’elle a confié à une codétenue par la suite.
Dans les heures qui ont précédé son décès, Audrey et les trois vagabonds ont bu de la bière et fumé du cannabis, d’après le témoignage d’angold.
Ils ont passé du temps sur la plage jusqu’au coucher du soleil. «Nous étions juste en train de flâner et jaser», a résumé Angold. La jeune Québécoise les a même remerciés pour leur amitié.
attaque Soudaine
Puis, sans crier gare, Alligood a sauté sur Audrey, dans un buisson du Golden Gate Park. Elle l’a plaquée au sol et s’est assise à cheval sur son torse.
Angold lui tenait les pieds tandis que Lampley la maîtrisait au niveau des épaules. Alligood a tenté sans succès de lui attacher les mains avec une corde, qu’elle a par la suite lancée à Angold pour qu’il lui lie les pieds.
Pendant ce temps, Lampley a appuyé le pistolet volé quelques jours plus tôt sur la tête d’audrey.
«S’il vous plaît, ne me tuez pas», a répété la jeune femme.
«Tais-toi, bitch, ou je te tue», a rétorqué Lampley.
«Alors, tue-moi», a ensuite laissé tomber la Québécoise de 23 ans. Et un coup de feu a retenti. «Elle est morte, dude, ne t’en fais pas avec ça», a alors lancé Lampley à Angold, qui ne semblait pas saisir ce qui venait de se produire.
Le trio a ensuite volé l’équipement de camping d’audrey, son passeport et son billet d’avion.
Mais ils ont laissé derrière eux son sac à main, contenant son cellulaire, 84 $ comptant et des cartes de crédit.
Le corps d’audrey Carey a été découvert le 3 octobre, pendant un festival de musique bluegrass.
embuscade
Les trois meurtriers ont ensuite mis deux jours pour se rendre à vélo dans la région de Fairfax, où ils projetaient s’emparer d’une voiture.
Lampley, Angold et Alligood ont ciblé la Volkswagen Jetta de Steve Carter.
Ils ont tendu une embuscade au pro- fesseur de 67 ans, qui allait promener son chien Coco dans un sentier pédestre.
Les tueurs ont atteint Steve Carter de trois projectiles, en plus d’en tirer un autre dans la tête de son doberman.
Le chien a perdu un oeil, mais il a survécu. «Le vieil homme devait mourir», s’est plus tard justifiée Alligood, expliquant que le trio voulait voler sa voiture.
Les trois vagabonds ont ensuite pris la route en direction de Portland, en Oregon. En chemin, ils ont même acheté des cigarettes avec un billet de 20 $ qui avait été transpercé par une balle.
Pendant tout leur périple, ils ont consommé des drogues dures, telles que du LSD, de l’héroïne et de la méthamphétamine.
Lampley, Alligood et Angold ont finalement été arrêtés le 7 octobre 2015, aux abords d’une soupe populaire de Portland. Ils ont été traqués par la police au moyen du GPS de la voiture de Steve Carter.
Le trio avait toujours en sa possession des effets personnels d’audrey Carey et l’arme ayant servi aux deux meurtres.
Pour réaliser leur rêve de vivre sur une «ferme de pot», Morrison Haze Lampley, Lila Scott Alligood et Sean Michael Angold ont enlevé deux vies.
Lampley et Alligood passeront maintenant pratiquement toute leur vie derrière les barreaux, en guise de sentence pour ces crimes sordides. Mais ces peines, aussi lourdes soient-elles, ne sauront jamais apaiser la douleur des familles d’audrey Carey et de Steve Carter.
Vies chamboulées
La veuve de ce dernier a rédigé un vibrant témoignage sur son blogue, après que les meurtriers eurent plaidé coupables. «Dans un contexte légal, oui, je crois que justice a été rendue avec les longues peines de prison. [...] Mais la vraie justice, elle? Steve et Audrey sont partis pour toujours. Nos coeurs sont brisés, notre environnement est en quelque sorte moins sécuritaire, sachant que ce qui est arrivé à Steve et Audrey peut arriver à chacun de nous, à tout moment», a écrit Lokita Carter.
Quant à la mère d’audrey Carey, sa vie est devenue un véritable «cauchemar».
«Ma vie ne sera plus jamais la même, ma vie n’a plus aucun sens, sans ma fille à mes côtés, sans ma fille avec qui nous avions une relation des plus formidables, sans ma fille à qui on a volé sa vie…», a noté Isabelle Tremblay sur Facebook.